Il n'y a aucune raison pour que la procédure dont je suis le témoin attristé depuis mon arrivée aux États-Unis ne se renouvelle pas indéfiniment. Je considère le projet de construction de la nouvelle ambassade comme mort ou du moins enterré. […] Il est triste de penser que M. Rockfeller a restauré Versailles, Reims et Fontainebleau et que nous ne trouvons pas nous-même en état d'assurer une résidence stable au représentant de la France dans le pays de Washington.
L'ambassadeur Paul Claudel à son ministre de tutelle Aristide Briand, 1930.
Jean Fouace est conservateur en chef au Mobilier national. Il a exercé de 1982 à 1998 des fonctions au ministère de la Culture et de la Communication, au sein du service de la restauration de la Direction des musées de France ainsi qu'au Fonds national d'art contemporain.
De 1998 à 2006, chargé de mission à la mission du patrimoine du ministère des Affaires étrangères et européennes, il a participé à plusieurs publications collectives sur l'histoire des ambassades de France. Il a notamment réalisé une étude intitulée "La décoration de l'ambassade de France à Ottawa : du projet de l'architecte Eugène Beaudouin en 1936 aux aménagements du Mobilier national dans les années cinquante", publiée en 2006 dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français.
En cours de réactualisation
La résidence du 1221 Kalorama Road a été acquise par la France en 1936. Paradoxalement, le choix du Quai d’Orsay s’arrêta sur un édifice de style néo-Tudor. Cela n’alla pas sans résistance, nombreux étant ceux qui auraient souhaité une résidence de « pur style français » qui, comme l’écrivait Paul Claudel en 1927, aurait fait « honneur à la France et constitué une réclame artistique comparable à celle des paquebots L’Île de France et le Normandie ».
Si cette demeure reproduit le plan d’un manoir anglais, elle est cependant bien l’œuvre d’un architecte d’origine française, Jules-Henri de Sibour (1872-1938). L’aménagement intérieur a progressivement évolué grâce aux efforts successifs des ambassadeurs et tout y rappelle désormais la France. C’est dans ce nouveau décor que le président Auriol a reçu le président Truman en mars 1951 et que tous les présidents de la cinquième République accueillirent ensuite leurs homologues américains.
Le drapeau tricolore flotte sur la façade de la résidence de France depuis plus de trois quarts de siècle : lieu d’accueil et de convivialité, mais surtout lieu symbolique de la force des liens qui unissent la France et les États-Unis. Car les portes de la résidence sont grandes ouvertes à tous, aux Français qui se rendent à Washington mais aussi à tous les amis américains de la France.
Cet ouvrage sans précédent, réalisé grâce aux Éditions Internationales du Patrimoine, témoigne à sa manière de la force des relations franco-américaines. Que tous ceux qui ont déjà pu visiter Washington, ou envisagent de le faire, trouvent dans ce livre matière à satisfaire leur légitime curiosité sur ce lieu.
Pierre Vimont
Ambassadeur de France aux États-Unis d’Amérique de 2007 à 2010
Il n'y a sans doute rien de semblable sur le continent. Comme l'architecture est souvent le vrai miroir de la civilisation, la Légation de France à Ottawa reflète le degré de raffinement intellectuel de la nation française. On peut dire qu'elle reflète également les sentiments de la France pour le Canada : aucun hommage plus précieux ne pouvait en effet être rendu à notre peuple par la République.
Le Citizen, édition du 5 janvier 1939.
Jean Fouace est conservateur en chef au Mobilier national. Il a exercé de 1982 à 1998 des fonctions au ministère de la Culture et de la Communication, au sein du service de la restauration de la Direction des musées de France ainsi qu'au Fonds national d'art contemporain.
De 1998 à 2006, chargé de mission à la mission du patrimoine du ministère des Affaires étrangères et européennes, il a participé à plusieurs publications collectives sur l'histoire des ambassades de France. Il a notamment réalisé une étude intitulée "La décoration de l'ambassade de France à Ottawa : du projet de l'architecte Eugène Beaudouin en 1936 aux aménagements du Mobilier national dans les années cinquante", publiée en 2006 dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français.
Inaugurée le 4 janvier 1939, en présence du Gouverneur Général Lord Tweedsmuir et du Premier ministre Mackenzie King, l’ambassade de France est l’une des toute premières ambassades de plein exercice à avoir été édifiée à Ottawa. Les conditions de sa réalisation et sa décoration sont par elles-mêmes un vibrant hommage au Canada et à l’histoire commune qui unit nos deux pays depuis plus de 400 ans. On relèvera ainsi les multiples références à la Nouvelle France et l’utilisation de matériaux venant du Canada, à l’image du granit gris du Québec qui orne les murs extérieurs ou de l’écorce de bouleau qui recouvre l’ensemble de l’exceptionnel salon du même nom. L’une des illustrations les plus émouvantes de cette histoire commune, fondée sur des valeurs partagées, est la reproduction du monument de Vimy, sculptée en bas-relief dans le mur de la galerie centrale et qui rend hommage au sacrifice des milliers de soldats canadiens morts pour la libération de la France durant la première guerre mondiale.
Le fait que la France de la fin des années 1930, consciente qu’elle était irrémédiablement entraînée vers le second conflit mondial, ait envoyé sur les bords de l’Outaouais parmi les tout meilleurs de ses architectes et de ses artistes pour concevoir, bâtir et décorer cette magnifique ambassade en dit long sur l’importance particulière que la France attache depuis l’origine à sa relation avec le Canada.
Aucun édifice ne pouvait en effet exprimer avec plus de force, dans sa conception, sa réalisation et sa décoration, cette relation d’exception qui unit nos deux pays. Cet édifice, que j’ai l’immense honneur, après une lignée de prestigieux prédécesseurs, de faire vivre aujourd’hui, avec l’équipe de l’ambassade et ma famille, est un lieu d’accueil et de convivialité ouvert à tous les Français et à tous les amis de la France. Il constitue plus que jamais un atout de premier plan pour renforcer le partenariat de plus en plus étroit qui lie la France et le Canada et projeter vers l’avenir l’amitié si profonde qui nous unit.
Je voudrais remercier chaleureusement les Éditions Internationales du Patrimoine d’avoir réalisé cet ouvrage de grande qualité, qui illustre de bien belle manière la force des relations entre nos deux pays. Je souhaite exprimer également ma profonde reconnaissance aux entreprises qui ont été nos partenaires dans ce projet et à tous ceux qui ont contribué à le réaliser.
François Delattre
Ambassadeur de France au Canada de 2008 à 2011
Après plus de soixante ans, la France est de retour à Berlin, Pariser Platz, là même où s'élevait notre ambassade depuis 1860... Cette ambassade est à l'image de la France d'aujourd'hui : moderne, dynamique, imaginative, ouverte sur le monde. Dans le respect de son environnement —ce site exceptionnel sur lequel a veillé jalousement le Sénat de Berlin—, Christian de Portzamparc a réussi un geste architectural d'une grande élégance. Le voici achevé, original, léger et lumineux, prenant place parmi les créations remarquables d'une ville qui compte déjà quelques-uns des plus beaux joyaux de l'architecture contemporaine.
Cette magnifique ambassade ne permettra pas seulement à la France d'être présente et de rayonner au cœur de la vie
de Berlin et de l'Allemagne. Elle nous donnera les moyens d'y prendre part, de contribuer, à travers un instrument exceptionnel, au débat des idées et à la rencontre des femmes et des hommes qui font de cette magnifique cité l'un
des grands foyers de la culture de demain.
Extrait du discours du Président Jacques Chirac lors de l'inauguration de l'ambassade de France le 23 janvier 2003.
Agrégé d'histoire, pensionnaire de la Fondation Thiers (1999-2002), chargé de cours d'histoire contemporaine à l'université de Paris IV-Sorbonne depuis 1995, achève un doctorat intitulé Le quai d'Orsay et les diplomates dans la politique étrangère du Second Empire.
Il a participé au Dictionnaire du Second Empire et au Dictionnaire Napoléon sous la direction de Jean Tulard. Il a publié plusieurs articles sur la diplomatie au XIXe siècle, ainsi que sur la culture et la religion. Par ailleurs, il a été le commissaire de l'exposition internationale Trinita dei Monti riscoperta en 2001.
Agrégée d'histoire, elle est titulaire d'une maîtrise en histoire contemporaine sur la Question allemande au sein de l'Université française (1870-1914) et d'un DEA sur la chambre des Pairs sous la Restauration.
Elle est l'auteur d'une thèse de doctorat intitulée Histoire sociale et politique d'une élite administrative sous la Troisième République : ambassadeurs et ministres plénipotentiaires à l'université de Paris IV-Sorbonne.
Elle exerce les fonctions d'ATER à l'université de Paris IV-Sorbonne. Elle a publié dans la Revue d'histoire diplomatique (oct-déc 2000, n°4), un article intitulé : "À la recherche de Monsieur de Norpois : prosopographie des ambassadeurs et ministres plénipotentiaires sous la Troisième République (1871-1914)".
Critique d'art éminente, Catherine Francblin a longtemps travaillé à la rédaction d'Art Press, publié des ouvrages sur les créateurs contemporains, animé de nombreuses tables rondes et assuré le commissariat de plusieurs expositions.
De 2002 à 2008, elle a été chargée des éditions et de la diffusion de la collection au Fonds national d'art contemporain (FNAC). Depuis 2008, Catherine Francblin est critique free lance.
Jean-Michel Leniaud est directeur de l’École nationale des Chartes depuis septembre 2011. De 1998 à 2011, il a été membre de la commission nationale des monuments historiques. Il est président du conseil scientifique de l’Institut national du patrimoine, membre du conseil supérieur des archives ainsi que des collèges régionaux du patrimoine des sites d’Île-de-France et de Poitou-Charentes.
Sorti de l’École des Chartes en 1976, il est également diplômé de l’EPHE (École pratique des hautes études), docteur d’État en droit et habilité à diriger les recherches en lettres et sciences humaines. De 1977 à 1990, il a exercé diverses fonctions au ministère de la Culture à l’inspection des monuments historiques, dans les services extérieurs et en administration centrale. En 1990, il est nommé directeur d’études à l’EPHE (École pratique des hautes études) dans la section des sciences historiques et philologiques et aussi, en 1996, professeur à l’École nationale des Chartes.
Spécialiste d’histoire du patrimoine et d’histoire de l’art des XIXe et XXe siècles, il a publié une trentaine d’ouvrages sur l’architecture, le patrimoine et l’histoire religieuse de l’époque contemporaine. Ses travaux ont obtenu des prix de l’Académie française, de l’Académie des beaux-arts et de l’Académie des sciences morales et politiques. Il est également rédacteur en chef des Livraisons d’histoire de l’architecture.
Architecte de formation, Sophie Trelcat est journaliste spécialisée en architecture, design et arts contemporains. Elle collabore avec de nombreux magazines parmi lesquels : A.M.C, Le Journal des Arts, Art Press, Les Inrocks, Vogue, d’A… Elle est également commissaire d’exposition —Christian de Portzamparc, Renzo Piano, Dentelles d’architecture ou encore Le stade, miroir de la ville— et auteure de plusieurs ouvrages. Aux Éditions internationales du Patrimoine, elle a co-écrit plusieurs monographies consacrées au patrimoine diplomatique français à l’étranger : Ambassade de France à Berlin (2010), Ambassade de France à Tokyo (2012), Résidence de France à Rabat (2014), Résidences de France à Singapour (2019) et Ambassade de France à New-Delhi (2019).
Une Ambassade, c’est la maison de la France dans un pays. À ce titre elle s’en veut l’image vivante. À Berlin, sur la Pariser Platz, l’ambassade de France est le symbole de tout ce que l’histoire commune de l’Allemagne et de la France a connu de pire et de meilleur. L’immigration huguenote, le souvenir d’un XVIIIe siècle si franco-prussien, les guerres napoléoniennes, une relation intellectuelle jamais interrompue, les conflits meurtriers, les sinistres défilés d’un régime égaré, Berlin rasée… et puis Berlin ressuscitée dans une Allemagne réunifiée qui, aux côtés de la France et la main dans la main, continue à construire, pierre après pierre et parfois crise après crise, mais toujours de l’avant, l’Union européenne. La Pariser Platz qui n’était encore en 1989 qu’un «no man’s land» est aujourd’hui le plus fort symbole de la renaissance européenne et de l’espoir que la paix finit toujours par l’emporter.
La nouvelle ambassade qu’a construite Christian de Portzamparc avec sa femme, Elizabeth, porte un message d’ouverture et d’amitié, à l’image de ses immenses fenêtres d’où chacun peut admirer la magnifique Porte de Brandebourg. Elle est aussi un message d’hospitalité parce que ses volumes, son jardin intérieur, toutes les œuvres d’art que l’on y rencontre sont à l’échelle humaine, propres à favoriser le dialogue entre tant d’Allemands et de Français de toutes origines et de tous métiers qui ne cessent de s’y rencontrer. Elle est aussi et surtout un lieu de travail et de dialogue, mobilisé au service des relations franco-allemandes qui restent le cœur de l’Europe d’aujourd’hui. Cette image de la France faite d’équilibre et de mesure, pleine de caractère, résolument tournée vers la modernité est celle que nous souhaitons montrer à nos amis allemands.
Bernard de Montferrand
Ambassadeur de France en Allemagne de 2007 à 2011
Une mission permanente d'un pays jugé égal : ce fut une idée neuve en Chine au milieu du XIXe siècle. Pour qu'elle fût acceptée, il fallut, hélas, une expédition franco-anglaise et le sac du Palais d'été, qui choqua le monde.
La première ambassade de France est une résidence de prince, proche de la Cité interdite et pleine de lilas et de grillons.
La seconde, après le Siège de Pékin par les Boxers en 1900, est bâtie sur les ruines de la première. Elle doit montrer le rang
et la place de la Nation. Due à Georges Chedanne, architecte en chef des bâtiments civils et des palais nationaux, elle présente sur sa façade une superposition de galeries, symbole des Lumières, et des motifs romans, qui se veulent un écho sans doute à l'antique civilisation chinoise. Cette ambassade se survit de 1928, date à laquelle la capitale quitte Pékin pour Nankin, à 1949 où l'Armée Populaire de Libération entre à Pékin. La proclamation le 1er octobre 1949 de la République Populaire de Chine met fin à la guerre civile, à l'occupation japonaise et à la division du pays. La France ne reconnaîtra pas la jeune République Populaire en 1949.
Nos beaux bâtiments du Quartier des légations sont saisis en 1952, et nous ne les retrouverons pas. À Sanlitun, où nous nous installons en 1964, lors de la reprise des relations diplomatiques décidées par le général de Gaulle, dans deux bâtiments loués, nous serons quarante-six ans dans le provisoire. Le quartier est fonctionnel, excentré, le bâtiment ressemble à ses voisins. Ce sont les décors qui porteront l'image de la France. Avant qu'une nouvelle ambassade, digne de la France, digne de la Chine, ne soit bâtie dans la mégalopole ambitieuse qu'est devenu Pékin, un bel objet architectural qui sera le sujet d'un autre volume.
Ministre Plénipotentiaire, elle a partagé sa carrière entre Pékin et Moscou avant de la suspendre quand, son mari, Pierre Morel, a été nommé Ambassadeur de France en Russie puis en Chine.
Formée à la langue et à l'histoire chinoise à l'Université de Harvard, où elle fut l'élève de John K. Fairbank, elle a vécu huit ans à Pékin. Plus de deux ans pendant la révolution culturelle (1968-1970) et six ans dans la Chine de la haute croissance (1996-2002). Elle vivait alors à l'ambassade de France.
Elle a publié un livre sur la résidence de l'ambassadeur de France à Moscou, La Maison Igoumnov, et aux Éditions de l'Imprimerie nationale, Moscou, mémoire d'une ville.
Au moment où la France s’apprête à quitter Sanlitun, le « village à trois lieues » des anciennes murailles de Pékin et son ambassade dans ce quartier des années soixante, qui nous a accueillis après la reconnaissance de la République Populaire de Chine par le Général de Gaulle, pour rejoindre le quartier diplomatique du XXIe siècle et l’ambassade moderne et audacieuse inaugurée par le Président de la République le 30 mars dernier, je voudrais saluer le très beau livre d’Olga Morel sur l’histoire d’une ambassade en Chine.
Ouvrage d’histoire, d’architecture et d’art, ce livre est le fruit d’un travail d’archives et de recherches très poussé. Il est sans équivalent et Olga Morel a mis tout son talent et son érudition dans cet ouvrage comme elle l’avait fait pour l’ambassade de France à Moscou, où elle avait vécu de longues années. Le choix des témoignages littéraires ou des descriptions des personnalités qui ont animé la présence française en Chine rend l’ouvrage captivant. Les photos d’archives sont judicieusement choisies pour illustrer ces moments forts.
En ce début du XXIe siècle où la Chine est devenue la deuxième économie mondiale et où la France a établi avec elle un partenariat stratégique privilégié, il est important de rappeler ce qu’était la conception chinoise de l’ordre du monde qui sous tendait les relations entre la Chine et le monde extérieur, de même que les péripéties de la création des ambassades à Pékin « une idée neuve en Chine au milieu du XIXe siècle ». C’est l’évocation de l’histoire des légations, avec l’épisode de la guerre des Boxers qui a toujours en Chine un lien avec le présent. C’est le récit plus particulier des grandes et petites histoires de la légation de France, où réside toujours le Roi Sihanouk, et où les deux lions de pierre accueillent toujours les visiteurs. C’est aussi une galerie de portraits de quelques personnalités d’exception, de prestigieux architectes du ministère des Affaires étrangères, de ministres et d’ambassadeurs de France, dans les périodes fastes comme dans les périodes plus troublées.
L’histoire d’une ambassade en dit autant sur le pays d’accueil que sur le pays d’origine. Comme les puissances ont souhaité rebâtir pour faire bonne figure après le siège des légations, les grands pays ont quitté tour à tour ces bâtiments fonctionnels et sans originalité devenus trop exigus pour des chancelleries qui reflètent leur identité. Quarante-sept ans auront passé pour la France dans une ambassade considérée comme provisoire, et de longues négociations sur l’attribution des terrains racontées en détail par Olga Morel. Ces retards sont sans doute une chance car la nouvelle ambassade, conçue par l’architecte Alain Sarfati, est ainsi en phase avec la Chine et la France d’aujourd’hui ainsi qu’avec cette relation d’exception.
J’ajouterais une touche plus personnelle en disant que je serai très honorée de prendre possession de la nouvelle ambassade, mais que j’ai retrouvé pour un temps avec une certaine émotion la vieille ambassade de Sanlitun de mes débuts de carrière, avec le petit bureau qui fut celui de Pierre-Jean Rémy du temps de la rédaction du Sac du Palais d’été. J’ai aussi retrouvé avec bonheur l’enceinte de l’ancienne légation de France où j’accompagnais jadis l’ambassadeur Charles Malo chez le Prince Sihanouk pour évoquer la situation au Cambodge. Je voudrais remercier à nouveau chaleureusement Olga Morel pour l’évocation juste et émouvante de ces lieux de mémoire, et les Éditions Internationales du Patrimoine pour leur heureuse initiative.
Sylvie Bermann
Ambassadeur de France à Pékin depuis 2011
J'eus la satisfaction de signer le protocole d'accord aux termes duquel l'État français devenait régulièrement propriétaire de la Villa Bonaparte […] Nous nous installâmes à la fin des années 1950 […] Au printemps qui suivit, nous déposâmes une gerbe des premières roses du jardin sur le cercueil de Pauline Borghèse dans la crypte de Sainte-Marie Majeure […]
Wladimir d'Ormesson, Souvenirs, De Saint-Pétersbourg à Rome, 1969.
Conservateur général du patrimoine, Pierre Arizzoli-Clémentel a consacré sa carrière aux arts décoratifs et à l'histoire du mobilier. Après un séjour à Rome à la Villa Médicis, il a été responsable du musée des tissus et des arts décoratifs de Lyon, puis conservateur général de l'Union des arts décoratifs à Paris. Il assuré la direction générale de l'Établissement public du musée et du domaine national de Versailles de 1997 à 2009.
Il est l'auteur de nombreux ouvrages d'art parmi lesquels Versailles, Le Mobilier de Versailles, XVIIIe et XIXe siècles, L'Album de Marie-Antoinette, L'Ameublement du palais du Quirinal à Rome sous le Premier Empire...
Alberta Campitelli a été directrice des villas et des parcs historiques de Rome. Elle dirige actuellement le département du patrimoine culturel artistique de la ville de Rome.
Elle participe régulièrement à des conférences dans les universités de Paris, Berlin et Washington, et a contribué à de nombreux livres d'art sur les villas romaines et italiennes.
Fille de l'historienne et biographe Lady Antonia Fraser et du regretté Sir Hugh Fraser, Flora Fraser a écrit les biographies de Emma Hamilton, de Caroline de Brinswick, des filles de George III et de Pauline Bonaparte.
Diplômée de l'École du Louvre, Soazig Guilmin est en charge, depuis 2003, de la documentation et du récolement des dépôts de la Manufacture nationale de Sèvres. En 2008, elle prend en charge et organise la régie des collections de la Manufacture.
Depuis 2010, elle est chef du service de récolement et du mouvement des œuvres approfondissant ainsi ses connaissances sur la politique de dépôt de la Manufacture et du Musée national de la céramique devenus depuis peu Sèvres-Cité de la Céramique.
Ministre italien de la Culture de 1995 à 1996, Antonio Paolucci a été nommé directeur des musées du Vatican par le Pape Benoît XVI le 4 décembre 2007.
Historien d'art de la Renaissance reconnu, on lui doit plus de 300 articles dans de nombreuses revues comme Paragone ou Bollettino d'Arte, et des monographies sur Palmezzano, Signorelli et d'autres artistes et bâtiments florentins.
Après Sciences-Po et l'ENA, Laurent Stéfanini, est devenu diplomate en 1985. Aux Affaires étrangères, il a successivement travaillé à la Direction des affaires juridiques, à la mission permanente française auprès des Nations Unies, à la Direction des affaires économiques et financières puis comme chef adjoint du Protocole, enfin quatre ans à l'ambassade de France près le Saint-Siège avant de devenir Conseiller pour les affaires religieuses au ministère des Affaires étrangères et européennes. Il fut également en charge de négociations internationales dans le domaine de l'écologie en tant qu'ambassadeur délégué à l'environnement.
Depuis 2011, il est chef du Protocole de la République française.
Historien français, ancien conseiller culturel de l'ambassade de France près le Saint-Siège, Jean-Dominique Durand est depuis 1989 professeur d'histoire contemporaine à l'Université Jean Moulin-Lyon III et, depuis 2004, professeur invité à l'Université Pontificale Salésienne de Rome.
Parallèlement, il est membre de nombreux comités scientifiques et occupe depuis 2009 des fonctions de consulteur du Conseil pontifical de la Culture au Vatican et de membre du Conseil Académique de l'Académie Catholique de France.
Peu d’ambassades de France à travers le monde ont autant d’agrément que la Villa Bonaparte à Rome. À l’abri du mur Aurélien, au milieu d’un jardin soigné, planté de lauriers et de chênes, se dresse ce petit palais romain du XVIIe qui sert de résidence aux ambassadeurs de France près le Saint-Siège depuis 1950. Le cardinal Valenti Gonzaga qui l’a construit deux cents ans avant, l’avait ordonnancé comme un écrin pour ses célèbres collections. Il était le Secrétaire d’État éclairé de Benoît XIV, le Pape le plus ouvert aux Lumières. Son palais romain reflète l’harmonie néo-classique qu’ils ont cherché tous deux à promouvoir en avance sur le reste de l’Europe.
Au lendemain de l’Empire, c’est la princesse Pauline Borghèse, la jeune sœur de Napoléon dont la plastique fut immortalisée par Canova, qui en devient propriétaire. Elle l’aménage pour en faire un des lieux de rencontre les plus brillants de Rome, où les voyageurs venus d’Angleterre et de France se mêlent aux représentants de la Curie et de l’aristocratie romaine.
Les Bonapartes en sont toujours propriétaires quand une des pages de l’histoire de l’unité italienne vient s’écrire dans les jardins de la Villa : le 20 septembre 1870, les troupes italiennes franchissent la muraille et les derniers combats les opposent aux zouaves pontificaux dans la propriété romaine de Charles Bonaparte, cousin de Napoléon III. Quel symbole des tiraillements de la politique romaine du Second Empire !
Depuis 1950, la Villa Bonaparte est devenue Ambassade de France. Elle est par excellence le lieu de rencontre entre la France et la Curie romaine. Car depuis toujours la diplomatie à Rome est faite de contacts personnels, de commerce régulier de l’Ambassadeur avec les autorités de l’Église que le cadre exceptionnel du palais favorise.
Autrefois élément central de notre diplomatie, la relation de la France avec le Saint-Siège continue de jouer un rôle important dans notre politique étrangère. Nos Présidents de la République, nos chefs de gouvernement, nos ministres, en sont conscients et viennent régulièrement rendre visite au Pape ou assister aux cérémonies qui marquent la vie de la Rome pontificale. À ces occasions, ils ont coutume de recevoir à la Villa Bonaparte les représentants de la Curie et des congrégations religieuses.
Ce livre, dont les textes ont été écrits par les meilleurs experts français, et d’éminents spécialistes italiens et britannique, très joliment illustré et mis en page, doit offrir au lecteur un concentré non seulement de l’histoire de la Villa Bonaparte mais aussi de l’harmonie de son aménagement. Il rappelle l’importance de la relation de la France avec le Saint-Siège et évoque les principaux artisans de cette politique depuis 1950.
C’est donc avec gratitude que je remercie tous ceux qui ont contribué, par leur talent ou leur soutien financier, à la réalisation de cet ouvrage consacré à un lieu qui fait honneur à la diplomatie de notre pays.
Stanislas de Laboulaye
Ambassadeur de France près le Saint-Siège de 2009 à 2012
L'ambassade de France à Vienne, construite en 1907 par un architecte français constitue l'un des rares hôtels particuliers et peut-être le seul, du style parisien de cette époque. Bien que certains dégâts dus à la guerre n'aient pas permis de conserver entièrement le décor intérieur original, celui-ci, a été cependant en très grande partie maintenu. Dès à présent, il constitue une curiosité et nul doute, que le temps passant, il ne soit apprécié un jour comme un exemple typique d'un art qui a sa valeur.
Étienne de Crouy-Chanel, ambassadeur de France à Vienne à Jean Cassou, conservateur en chef au Musée national d'Art moderne, avril 1961.
Après l'École du Louvre, Chantal Gastinel-Coural a été chargée de mission au musée national du château de Versailles, puis conseiller technique à l'administration générale du Mobilier national et des manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie. Elle fut notamment en charge, auprès de l'administrateur général, de l'ameublement et de la décoration des résidences présidentielles (palais de l'Élysée, château de Rambouillet, Résidence Marigny, Fort de Brégançon).
Ses travaux scientifiques ont concerné le palais de Monte Cavallo (le Quirinal) sous le Premier Empire, et les Manufactures nationales, spécialement celle de Beauvais. Elle prépare un ouvrage sur la manufacture de la Savonnerie de 1800 à 1850. Elle est aussi l'auteur de nombreux articles études et catalogues d'expositions, dont elle a assuré le commissariat, consacrés à la Fabrique lyonnaise et aux commandes du Garde-Meuble de la Couronne pour les palais royaux et impériaux aux XVIIIe et XIXe siècles.
Elle a réalisé une étude sur l'ambassade de France à Vienne publiée par le Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français en 1990.
Élève de l’École du Louvre, titulaire d’un DEA, Sandrine Mahieu est agrégée d’arts plastiques. Elle a participé à plusieurs ouvrages collectifs dans le domaine de l’art contemporain et est l’auteur de nombreux articles, plus particulièrement sur la photographie contemporaine, qu’elle enseigne à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Elle est aujourd'hui inspecteur-conseiller de la création à la mission de la photographie du ministère de la Culture et de la Communication.
Un bâtiment abritant une ambassade est inévitablement porteur de symboles, que la présence de ceux-ci soit recherchée ou qu’elle soit imposée par le temps. Une ambassade, c’est le « message » d’un pays à un autre (« Botschaft » signifie à la fois « ambassade » et « message » en allemand). Il doit en être le visage et en tout cas il le devient pour ceux qui le voient quotidiennement : aimable ou sévère, fermé et arrogant, ou bien plutôt ouvert et accueillant. Certains croient ainsi retrouver dans le bâtiment d’une ambassade la marque du caractère qu’ils attribuent à un pays. D’autres forment leur vision d’un pays à partir du premier aspect qu’ils en auront perçu avec cet édifice qui en porte le drapeau.
L’ambassade de France à Vienne, premier bâtiment français à être conçu pour être une ambassade, illustre éminemment cette situation. Le maître d’œuvre, le ministère des Affaires étrangères, avait inscrit cette dimension symbolique dans le programme architectural dès l’origine, car le symbole devait servir la politique. L’Autriche et la France souhaitaient inaugurer une nouvelle ère dans leurs relations longtemps tumultueuses. Quelques choix d’architecture et de décoration ont pris alors la valeur d’actes propitiatoires : deux grands groupes sculptés sur la façade ainsi qu’un plafond peint au sommet de l’escalier représentent l’Autriche et la France - sous des traits de femmes - scellant une amitié que les deux pays voulaient pérenne.
Avec le temps, d’autres symboles sont venus s’ajouter à ceux qui avaient été voulus à l’origine. Ainsi à Vienne, la grande salle-à-manger a disparu, transformée en deux étages de modestes bureaux, car elle avait été prévue pour recevoir l’Empereur, et cet usage avait perdu son sens après 1918. De même, un grand salon décoré avec une luxuriance de stucs « Art Nouveau », joyau sans doute de l’ambassade, a été victime de la Seconde guerre mondiale, et aussi de l’évolution du goût, de l’histoire en tout cas.
Cette maison de la France à Vienne incarne aussi un peu l’ « esprit français ». On peut sans trop de forfanterie estimer que l’attention apportée dès l’origine aux choix esthétiques a quelque chose de français. La France entendait, en effet, frapper les esprits, mais comptait le faire par le goût et le raffinement, et aussi par la marque de son intérêt pour l’avant-garde du temps : l’ambassade de Vienne est une « œuvre d’art totale » de ce mouvement ultra-moderne à l’époque qu’était « l’Art Nouveau ». Sans doute l’émulation ou la rivalité, avec le Jugendstil autrichien de la même époque a-t-il eu sa part dans ce choix. Beaucoup ont critiqué le bâtiment mais c’est cette audace qui en fait le prix aujourd’hui.
Cet esprit français réside peut-être aussi dans l’accueil que l’on s’attache à y offrir, amical et chaleureux, curieux des différences, plutôt que solennel et empesé. L’intention est que l’on s’y sente bien comme en France.
Cette ambassade est ainsi riche d’histoire. Mais sa vie reflète avant tout la nature fondamentalement transformée des relations entre la France et l’Autriche, adversaires lors de l’inauguration du bâtiment, partenaires aujourd’hui au sein de l’Union européenne. La représentation de la France n’a évidemment plus le but d’impressionner, mais, tout au contraire, de rapprocher les autres de notre pays. Avec les États-membres de l’Union européenne, nous partageons tant de solidarités concrètes, l’essentiel de notre législation
économique, une monnaie commune. Cela exige de connaître le mieux possible les ressorts de l’action de nos partenaires, de faire partager nos préoccupations, de faire apprécier notre pays, et même de le faire aimer si on le peut. On ne convainc que celui qui veut bien l’être.
L’action internationale passe ainsi, au sein de l’Union européenne au moins, par la «diplomatie publique ». L’ambassade de France, un des bâtiments les plus connus et prestigieux de Vienne dans lequel se rendre est un privilège recherché, contribue parfaitement à cette action. Nul évidemment ne se lancerait aujourd’hui à cette seule fin dans les dépenses que représente ce palais. Mais il serait peu avisé de ne pas valoriser cet atout pour la France dont nous avons hérité.
On a essayé récemment de faire sentir cette évolution des temps en insérant dans cet édifice « Art Nouveau » quelques œuvres contemporaines. Celles-ci sont présentées de façon à ne pas heurter la cohérence remarquable de la décoration existante. Mais le plus beau des édifices est toujours un édifice vivant. Il semblait juste de rappeler qu’une ambassade ne peut être un mausolée magnifique d’une époque passée, mais qu’elle demeure avant tout un instrument à la disposition des hommes et des femmes de notre temps. Le visage de la France d’aujourd’hui.
Philippe Carré
Ambassadeur de France à Vienne de 2008 à 2012
La ville de Stockholm et la Légation de France sont toutes deux à féliciter. Grâce à cet achat, le Palais se trouvera entre des mains telles que sa beauté pourra être conservée dans l'état où la laisse la propriétaire actuelle, qui fut toujours si jalouse de son parfait entretien. Ainsi le drapeau tricolore flottera désormais sur un immeuble qui a toutes les chances de devenir une véritable petite perle, tenant à la fois de Stockholm et de Paris.
Svenska Dagbladet, 29 juin 1920.
Jean Fouace est conservateur en chef au Mobilier national. Il a exercé de 1982 à 1998 des fonctions au ministère de la Culture et de la Communication, au sein du service de la restauration de la Direction des musées de France ainsi qu'au Fonds national d'art contemporain.
De 1998 à 2006, chargé de mission à la mission du patrimoine du ministère des Affaires étrangères et européennes, il a participé à plusieurs publications collectives sur l'histoire des ambassades de France. Il a notamment réalisé une étude intitulée "La décoration de l'ambassade de France à Ottawa : du projet de l'architecte Eugène Beaudouin en 1936 aux aménagements du Mobilier national dans les années cinquante", publiée en 2006 dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français.
Historienne de l'art, Eva Helena Cassel-Pihl a assuré la direction du musée Hallwyl de Stockholm de 1980 à 2002.
Auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire du patrimoine et de l’architecture en Suède, elle a notamment collaboré avec l’Armurerie royale, le Château de Skokloster et le musée Hallwyl. Eva Helena Cassel-Pihl est notamment l’auteur de Derniers lieux privés à Stockholm, 4 hôtels particuliers au tournant du siècle et Pour un avenir lointain, Wilhelmina von Hallwyll.
Elle a également participé à une série d’ouvrages sur le musée Hallwyll parmi lesquels Histoire de la collection Hallwyl de peintures, La Collection Hallwyl d'argenterie et La collection Hallwyl de tapis orientaux et de textiles.
Né à Stockholm en 1943, Herman Lindqvist a vécu la plupart de sa vie à l'étranger. Il a débuté sa carrière comme correspondant à l'étranger pour les médias suédois en Europe, en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient.
Depuis vingt ans, il vit en France et se consacre à l’écriture. Il a publié près de 55 ouvrages historiques, et également de nombreux recueils d'anecdotes humoristiques mettant en scène des chocs culturels. Son prochain livre - une biographie sur Louis XIV - sortira en 2011.
Le Palais Broms est le symbole de la France à Stockholm depuis les années 1920. Il avait alors fallu beaucoup de ténacité de la part du ministre français en Suède, Louis Delavaud, pour convaincre la République d'installer durablement l'ambassade dans cet élégant hôtel particulier du quartier d'Östermalm. La France y a depuis fait souche ; elle a adopté facilement cette architecture du sud qui apporte une touche méditerranéenne aux alignements d'immeubles bourgeois du boulevard Narvavägen, à quelques minutes de marche des quais et de l'île de Djurgården.
Dans le respect du plan originel voulu par Gustaf Emil Broms, elle a peuplé les salons de témoignages de son art et de la riche histoire commune de la France et de la Suède. Bernadotte, bien sûr, y est à l'honneur, tout comme la Reine Désirée, mais aussi Gustave Adolphe et Richelieu, et bien d'autres grandes figures de notre passé partagé. Dans le salon des Gobelins sont réunis, dans une association peut-être très française, la philosophie et le triomphe de Bacchus, dans une éclatante harmonie de couleurs sur laquelle le temps n'a pas eu de prise. Au grand salon, les quais de Stockholm, peints par Albert Marquet, voisinent avec le parc du Luxembourg vu par Chapelain-Midi.
L'art de notre époque, français comme suédois, est entré plus tard au palais Broms, grâce à l'initiative des ambassadeurs de France qui m'ont précédé. Une vision géométrique du village d'Arcueil aux environs de Paris, de Jacques Lagrange, côtoie dans le vestibule des visages presque démoniaques peints par Bengt Lindström.
Aujourd'hui comme hier, le Palais Broms est un lieu de culture et d'échanges, ancré dans l'histoire et tourné vers l'avenir. Il vit du regard affectueux de tous ceux qui, dans son quartier et bien au delà, aiment la France. Il s'anime, tout au long de l'année, de l'enthousiasme des très nombreux français et suédois, artistes, entrepreneurs, hommes de science ou de gouvernement qui s'y retrouvent pour célébrer une amitié qui ne s'est jamais démentie au fil de l'histoire et à laquelle la construction de l'Europe a donné un nouveau sens.
Jean-Pierre Lacroix
Ambassadeur de France en Suède depuis 2011
Le Palais de Santos n'est pas la plus monumentale des ambassades à Lisbonne, mais sans doute celle qui a le plus de charme. C'est d'abord dû à son site, surplombant l'estuaire du Tage, qu'on appelle la "Mer de paille" en raison des reflets dorés du soleil dans les eaux de cette "belle rade" selon une étymologie phénicienne du nom de Lisbonne.
Quant à l'intérieur du Palais, il recèle quelques joyaux : des peintures néo-classiques sur des motifs mythologiques tirés de Virgile et d'Ovide et des décorations inspirées des Loges de Raphaël au Vatican ; une salle des porcelaines, connue de tous les amateurs de porcelaine chinoise, dont les quatre pans du plafond pyramidal sont recouverts de 261 plats, "bleu et blanc", Ming pour l'essentiel, qui constitue le témoignage, sans équivalent pour sa cohérence et sa disposition, de l'époque où le Portugal fut le premier pays à importer la porcelaine chinoise directement par la mer ; une chappelle baroque, petit écrin d'azulejos, de bois sculpté doré et de peintures.
Archiviste-paléographe (promotion 1962), conservateur de musée, il a dirigé le musée national du château de Fontainebleau de 1970 à 1994, avant de devenir administrateur général du Mobilier national, des manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie (1994-2003).
Ses principaux travaux scientifiques ont porté sur l'ébéniste André-Charles Boulle, l'histoire et les collections du château de Fontainebleau, l'époque napoléonienne, en relation avec le musée Napoléon Ier qu'il a crée dans une des ailes de ce château, et les arts décoratifs du début du XIXe siècle (mobilier Consulat-Empire).
L’ambassade de France à Lisbonne occupe, depuis 1870, le Palais de Santos, connu aussi comme Palais d’Abrantès. La présence de la France à Lisbonne est ainsi étroitement liée à cette ancienne demeure aristocratique, connue et admirée par les Portugais. Nombreuses sont les raisons de cette fascination et de cet attachement. Car en découvrant l’histoire du Palais de Santos, dix-sept siècles d’histoire du Portugal défilent sous nos yeux : du IVe siècle, sous le règne de Dioclétien, lorsque le martyre de trois jeunes chrétiens décida du nom du lieu, à la Reconquista qui vit un ordre religieux y installer son siège ; du glorieux XVIe siècle, âge d’or de la thalassocratie portugaise, lorsque le Palais fut résidence des rois Manuel le Fortuné et Sébastien le Désiré, au XIXe siècle, lorsque la veuve de l’Empereur Pierre Ier du Brésil, Amélie de Beauharnais, y séjourna.
L’architecture et la décoration du Palais de Santos ont, elles aussi, connu bien des vicissitudes, au gré des modes et des styles, des heures fastes et néfastes de sa longue histoire. Ce palais est un vrai casse-tête pour l’historien qui veut comprendre ce que des générations d’occupants ont fait et défait. Grâce soit rendue à Jean-Pierre Samoyault pour le travail qu’il a fourni pour faire dire aux archives, rares pour les périodes anciennes, et aux murs, le secret d’innombrables remaniements et embellissements. Mes remerciements vont aussi au photographe Kenton Thatcher pour avoir bien réussi à capturer les beautés du lieu et son atmosphère.
Le Palais de Santos n’est pas la plus monumentale des ambassades à Lisbonne, mais sans doute celle qui a le plus de charme. C’est d’abord dû à son site, surplombant l’estuaire du Tage, qu’on appelle la « Mer de paille » en raison des reflets dorés du soleil dans les eaux de cette « belle rade », selon une étymologie phénicienne du nom de Lisbonne. Quant à l’intérieur du Palais, il recèle quelques joyaux : des peintures néo-classiques sur des motifs mythologiques tirés de Virgile et d’Ovide et des décorations inspirées des Loges de Raphaël au Vatican ; une salle des porcelaines, connue de tous les amateurs de porcelaine chinoise, dont les quatre pans du plafond pyramidal sont recouverts de 261 plats, « bleu et blanc », Ming pour l’essentiel, qui constituent le témoignage, sans équivalent pour sa cohérence et sa disposition, de l’époque où le Portugal fut le premier pays à importer la porcelaine chinoise directement par la mer ; une chapelle baroque, petit écrin d’azulejos, de bois sculpté doré et de peintures.
Le Palais de Santos méritait qu’on lui consacre enfin un ouvrage aussi complet que possible, digne de son histoire et de sa splendeur. L’initiative d’un éditeur, le talent d’un historien de l’art et la sensibilité d’un photographe viennent enfin combler cette lacune et valoriser ce patrimoine culturel portugais dont la France se doit d’être le gardien attentionné. C’est un honneur et un bonheur pour un ambassadeur de France à Lisbonne, ayant de surcroît une ascendance portugaise, d’inviter les lecteurs à la découverte et à la délectation de ce lieu d’exception.
Pascal Teixeira da Silva
Ambassadeur de France au Portugal depuis 2010
" L'an 1839, le 1er jour de mai, sous le règne de Sa Majesté Louis-Philippe Ier, roi des Français, et sous celui de Mahmoud II, empereur des Ottomans, M. le comte Molé, pair de France, étant ministre des Affaires étrangères, Président du Conseil des ministres, M. le baron Roussin, pair de France, vice-amiral, grand croix de la Légion d'Honneur, ambassadeur du roi à Constantinople, a posé la première pierre du Palais de France à Péra [...]. L'architecte était M. Pierre Laurécisque, de Paris". Une affichette éditée pour la circonstance et conservée dans les appartements de l'ambassadeur, au second étage du palais, rappelle, dans le style léger d'un numéro du Journal officiel, la genèse de la nouvelle construction.
Directeur de cabinet du ministre des Affaires européennes (1997-2002), il exerce ensuite les fonctions d’ambassadeur de France auprès du Royaume hachémite de Jordanie (2002-2006), puis d'ambassadeur auprès de l’État d’Israël (2006-2009). Ministre plénipotentiaire, il dirige actuellement la direction de l’Union européenne au ministère des Affaires étrangères et européennes.
Jean-Michel Casa, né en 1957 à Rabat, est diplomate. Diplômé de l’Institut d’Études politiques de Paris, ancien élève de l’École Nationale d’Administration (promotion « Louise Michel »), il rejoint le Quai d’Orsay à sa sortie de l’ENA, en 1984, et se spécialise dans les questions relatives à l’intégration européenne. Après avoir été conseiller chargé des affaires européennes, puis directeur-adjoint du cabinet du ministre des Affaires étrangères, il est consul général à Istanbul de 1993 à 1996. C’est là qu’il publie, en 1995, aux éditions Yapı Kredi, une première version de l’histoire du Palais de France, dont le présent volume constitue une nouvelle édition, entièrement revue et augmentée.
Après l'École du Louvre, Chantal Gastinel-Coural a été chargée de mission au musée national du château de Versailles, puis conseiller technique à l'administration générale du Mobilier national et des manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie. Elle fut notamment en charge, auprès de l'administrateur général, de l'ameublement et de la décoration des résidences présidentielles (palais de l'Élysée, château de Rambouillet, Résidence Marigny, Fort de Brégançon).
Ses travaux scientifiques ont concerné le palais de Monte Cavallo (le Quirinal) sous le Premier Empire, et les Manufactures nationales, spécialement celle de Beauvais. Elle prépare un ouvrage sur la manufacture de la Savonnerie de 1800 à 1850. Elle est aussi l'auteur de nombreux articles études et catalogues d'expositions, dont elle a assuré le commissariat, consacrés à la Fabrique lyonnaise et aux commandes du Garde-Meuble de la Couronne pour les palais royaux et impériaux aux XVIIIe et XIXe siècles.
Elle a réalisé une étude sur l'ambassade de France à Vienne publiée par le Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français en 1990.
Inspecteur de la création artistique au Mobilier national, Marie-France Dupuy-Baylet a assuré, depuis 1974, le contrôle des objets mobiliers mis à la disposition des résidences présidentielles, de ministères et des ambassades de France à l’étranger par le Mobilier national.
Elle s’intéresse plus particulièrement à la collection de pendules et de bronzes d’ameublement du Mobilier national. Elle est l’auteur de plusieurs articles sur les pendules du XIXe siècle dans la revue des Monuments historiques et dans L’Estampille/L’Objet d’art. Elle a publié en 2006 puis en 2010 aux Éditions Faton deux ouvrages de référence, Pendules du Mobilier national 1800-1870 et L’Heure, le Feu, la Lumière Les bronzes du Mobilier national 1800-1870. Commissaire scientifique de l’exposition le Roi, l’Empereur et la pendule présentée en 2006 au musée du Temps de Besançon, elle a également été commissaire de l’exposition L’Heure, le Feu, la Lumière Bronzes du Garde-Meuble impérial et royal 1800-1870, à la galerie des Gobelins à Paris en 2010-2011.
Gisèle Durero-Köseoglu, française, professeur de Lettres à Istanbul, est une des principales représentantes de la littérature francophone de Turquie. Elle est l’auteur de recueils de poèmes et de romans publiés en Turquie aux Editions GiTa : La Trilogie d’Istanbul, Fenêtres d’Istanbul (2003), Grimoire d’Istanbul (2006), Secrets d’Istanbul (2008), La Sultane Mahpéri (2004), Mes Istamboulines (2010) et Janus Istanbul (Théâtre musical, 2012).
Professeur-documentaliste au Lycée français Pierre Loti d’Istanbul. Ancien chercheur en Archéologie orientale, associé à l’UMR 7041 du CNRS (ArScAn - Du village à l’État au Proche et Moyen-Orient). Formation à l’École du Louvre et à l’Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne (Institut d'Art et d'Archéologie - Centre Michelet).
De souche alsacienne, Nathalie Ritzmann, a décidé de s'installer à Istanbul en août 2003, à l'aube de la quarantaine, par choix personnel. Depuis plus de 4 ans, elle s'investit personnellement pour connaître et surtout faire connaître son pays d'adoption – qui lui a d'ailleurs offert la nationalité – à travers ses publications et ses photos.
Auteur notamment du site à succès « Du bretzel au simit », auquel se sont ajoutés deux petits frères, elle n'a de cesse de partager ses découvertes tant du patrimoine que de la culture de la Turquie ainsi que de ses habitants et de leur vie quotidienne.
Directrice de l'Institut français d'Études anatoliennes (IFEA) à Istanbul depuis 2008, Nora Seni est détachée de son poste d’enseignant-chercheur à l'Institut français d'Urbanisme de l'Université Paris-VIII. Docteur en Économie politique, elle a obtenu son HDR (habilitation à diriger des recherches) en « Histoire » et en « Aménagement et Urbanisme ». Ses recherches portent essentiellement sur la philanthropie, le mécénat, les politiques culturelles en Turquie, les relations entre l’Europe et l’Empire ottoman, la ville ottomane, les femmes et les minorités religieuses, les études sur les juifs en Turquie et dans l’Empire ottoman.
Elle est l’auteur de nombreuses publications parmi lesquelles Les Camondo, l’Éclipse d’une Fortune ; Les Inventeurs de la Philanthropie Juive ; Naissance du devoir d’ingérence. Le carnet du voyage d’Adolphe Crémieux en Égypte. 1840 ; Istanbul’da Özel Kültür Politikasi ve Kentsel Alan. Parallèlement, elle réalise des films documentaires dont le dernier, actuellement en préparation, s’intitule Collections, collectionneurs et la nouvelle image d’Istanbul.
Au fil de cet ouvrage remarquable, vous allez pouvoir découvrir l’histoire du Palais de France dont l’édifice originel fut, selon le botaniste provençal Joseph Pitton de Tournefort, «bâti par ordre d’Henri IV dans le temps que M. de Brêves était Ambassadeur».
Vous y découvrirez notamment que plus qu’un simple palais, «La Maison du Roi à Péra» était le siège d’une petite administration comportant chancellerie, églises, école d’interprètes, poste, palais de Justice et même prison. Le représentant de «la fille aînée de l’Église» assurait depuis ses murs sa protection sur les sujets chrétiens catholiques de l’Empire ottoman, ainsi que sur les marchands de la chambre de commerce de Marseille qui s’étaient vus accorder le monopole des échanges avec les fameuses échelles du Levant.
Échange de bons procédés : jusqu’à la Révolution française, les marchands provençaux, placés depuis Colbert sous la lointaine tutelle du département de la Marine, ont, en échange de ce privilège commercial, assuré l’entretien de l’ambassade de France à Istanbul ainsi que de l’ensemble des consulats de ces comptoirs de la Méditerranée orientale sous suzeraineté ottomane.
C’est finalement en 1839, sous les règnes de Louis-Philippe Ier et de Mahmoud II, que fût posée la première pierre du Palais de France. À quelques aménagements près empruntés à l’art nouveau, le Palais conçu par l’architecte Pierre Laurécisque demeure celui que nous connaissons aujourd’hui : achevé dans les dernières semaines de l’année 1847, alors que la monarchie de Juillet se meurt, le Palais de France est même l’un des rares monuments publics à avoir conservé le monogramme du roi Louis-Philippe sur sa façade, côté jardin.
Nul ne peut douter que par sa majesté, ce nouveau Palais eut pour ambition de symboliser la volonté française de perpétuer une relation unique, aujourd’hui presque semi-millénaire d’alliance avec la Turquie. Au cours de leur longue histoire commune, Turcs et Français furent ainsi bien plus souvent côte à côte que face à face. En 1914, le choix de l’alliance avec les Empires centraux par le gouvernement du comité Union et Progrès marque, à cet égard, une vraie rupture, avec les conséquences funestes que l’on connaît.
Dans cette partie de l’Europe, peut-être encore plus qu’ailleurs, la première guerre mondiale eut des allures de fin du monde. L’Empire ottoman avait vécu, des civilisations millénaires étaient anéanties. Avec la République, la Turquie de Mustapha Kemal a voulu tourner le dos à ce passé. Elle s’est inventé un nouveau dessein, s’est construit une nouvelle identité. En quelques décennies, ce nouvel État-Nation est entré dans la modernité. Il a bâti des institutions et une économie fortes. Il se veut aujourd’hui un modèle démocratique pour le monde musulman.
Cette renaissance ne pouvait s’accomplir sans un nouveau berceau, une nouvelle centralité. Tandis qu’«Ankara l’anatolienne» prenait la place «d’Istanbul la cosmopolite» comme capitale de la Turquie moderne, le Palais de France qui avait si magnifiquement incarné la France et la culture française devint une annexe, quoique prisée, de la nouvelle ambassade ankariote. Nul doute que les premiers ambassadeurs qui eurent à quitter les rives du Bosphore partagèrent longtemps le vieil adage stambouliote selon lequel rien n’est si agréable à Ankara que le voyage retour pour Istanbul.
Car «Istanbul la déchue» est restée sans conteste une véritable métropole culturelle et économique. Au fil des migrations, la ville s’est profondément transformée. Si la langue française y a perdu sa prédominance, la francophonie demeure bien vivante grâce aux écoles bilingues d’Istanbul, au Lycée et à l’Université francophones de Galatasaray. Pas moins de 5300 mots issus de la langue de Molière continuent de surcroît à vivre à travers la langue turque dans laquelle ils se sont enracinés depuis plus d’un siècle. La saison de la Turquie en France, qui s’est tenue entre le 1er juillet 2009 et le 31 mars 2010, et en particulier le succès au Grand Palais de la très belle exposition de «Byzance à Istanbul», ont témoigné avec force de la pérennité de ce lien si particulier qui unit nos deux cultures et nos deux peuples, de cette fascination réciproque entre «l’Orient compliqué» et la France des Lumières.
Après une éclipse de quelques décennies, l’économie redevient un vecteur essentiel de l’amitié franco-turque. Principal investisseur et banquier de l’Empire ottoman au XIXe siècle, la France se positionne comme un parte-naire majeur de la Turquie du XXIe siècle. Aujourd’hui, plus de 400 entreprises françaises sont présentes dans le pays parmi lesquelles des acteurs économiques de premier plan que ce soit dans l’industrie ou les services. On estime ainsi à plus de 100 000 le nombre d’emplois qu’elles ont créés en Turquie pour répondre aux besoins d’un marché en pleine croissance.
Cette vitalité économique, servie depuis 15 ans par la stabilité politique du pays, renforce la capacité d’attraction d’Istanbul. En quelques années, la ville est devenue une plateforme de correspondance majeure du transport aérien, une destination prisée du tourisme de conférence et le siège régional de nombreuses entreprises internationales. Le gouvernement rêve ainsi d’ériger, sur la rive anatolienne, un nouveau centre financier à vocation mondiale.
Le dynamisme diplomatique de la Turquie, plus récent, n’est pas non plus étranger à ce renouveau. Les sommets internationaux se multiplient à Istanbul et les dirigeants turcs, qui passent souvent la fin de semaine dans l’ancienne capitale impériale, acceptent même parfois d’y recevoir leurs hôtes. On peut être tenté de voir dans ce nouveau regard des dirigeants sur la ville conquise par Mehmet le Conquérant, la volonté de renouer avec un passé trop longtemps enfoui.
Mais si le néo-ottomanisme est à la mode, le quartier de Péra, que l’on appelle désormais Beyoğlu, reste fidèle à sa tradition de capitale européenne et cosmopolite. Les rénovations y vont bon train et le 6e arrondissement d’Istanbul se rêve en Saint-Germain-des-Prés. Réveillé par l’énergie de cette ville trépidante et par le son des boîtes de nuit qui l’entourent, à nouveau courtisé par les visiteurs de marque, le Palais de France vit aujourd’hui une seconde jeunesse. Après une importante campagne de restauration, il conjugue désormais l’élégance que lui avait insufflée son architecte, Pierre Laurécisque, la tradition de l’ancienne Ambassade auprès de la Sublime Porte et l’audace des décorateurs intérieurs du ministère des Affaires étrangères et européennes.
Au cœur d’un des quartiers les plus chatoyants d’Istanbul, le Palais de France demeure un joyau architectural au charme intact, le condensé d’une histoire d’amitié franco-turque de presque cinq siècles, que je vous invite à découvrir au fil des pages de cet ouvrage dont je remercie amicalement l’auteur, Jean-Michel Casa.
Laurent Bili
Ambassadeur de France en Turquie depuis 2011
On construir[a] d'abord une chancellerie provisoire et fer[a] disparaître l'ancienne, à la place de laquelle un nouveau bâtiment à usage des bureaux se[a] construit. L'ambassadeur et sa famille habiter[ont] le nouveau bâtiment pendant quelques temps, pendant qu'on fer[a] disparaître la Résidence et qu'on édifier[a] à la même place la nouvelle résidence.
Paul Claudel, Correspondances, 1921.
Élève de l’École du Louvre, titulaire d’un DEA, Sandrine Mahieu est agrégée d’arts plastiques. Elle a participé à plusieurs ouvrages collectifs dans le domaine de l’art contemporain et est l’auteur de nombreux articles, plus particulièrement sur la photographie contemporaine, qu’elle enseigne à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Elle est aujourd'hui inspecteur-conseiller de la création à la mission de la photographie du ministère de la Culture et de la Communication.
Docteur en histoire de l'art et de l'architecture (EPHE/Paris, Université Charles/Prague), Christine Vendredi-Auzanneau a enseigné l’histoire de l’architecture du XXe siècle à l’Université Keio (Tokyo, 2007-2011). Son enseignement y portait sur des questions de circulations d’idées, de diffusion et d’adaptation de l’architecture moderne aux particularités du Japon, d’abord abordées lors d’un post-doctorat à l’Institut de Technologie de Tokyo (TITECH, 1999-200) et développées dans le cadre d’un programme collectif soutenu par la Fondation Getty (Los Angeles, 2001-2005), la fondation américaine Pew et du gouvernement américain (NEH).
Co-commissaire de l'exposition Crafting a Modern World – The work of Antonin and Noémi Pernessin, présentée à Philadelphie (2006), à Santa Barbara (2007) puis au Japon (musée d’art moderne de Kamakura 2007, musée de la préfecture de Gunma 2008), elle signe de nombreux articles sur l’histoire de l’architecture japonaise dont un essai dans l’ouvrage éponyme publié par Princeton Architectural Press (2006). Elle publie en 2012 aux éditions Picard (Paris) la première monographie en langue française consacrée à Antonin Raymond (Antonin Raymond, un architecte occidental au Japon, 2012).
L’ambassade de France et sa résidence sont de ces lieux qui semblent imprégnés de l’histoire qu’ils ont traversée. De reconstructions successives en aménagements réguliers, les bâtiments de la résidence sont le reflet de 150 ans de relations et d’échanges entre nos deux pays. Cette représentation diplomatique française a vécu au même rythme que le Japon, partageant ses belles heures et rencontrant les mêmes vicissitudes. Ce sont d’ailleurs les meurtrissures de l’histoire qui ont engendré nombre de ses métamorphoses : en témoigne la reconstruction commandée par Paul Claudel à Antonin Raymond, après le grand tremblement de terre du Kanto ou encore le chantier confié, après le bombardement du 23 mai 1945, à Jean Démaret et Joseph Belmont. Ces derniers, épaulés par des confrères japonais, signèrent également les bâtiments de la nouvelle chancellerie, sise sur le même terrain, en contrebas du parc.
Au fil de ses transformations, la résidence de France a conservé un élément qui en souligne l’identité : son ouverture vers l’extérieur et le dialogue que l’architecture nourrit avec le jardin, dans une symbiose parfaite et une invitation à la contemplation. Ce respect de la nature et la manière de faire de celle-ci un élément constitutif du programme architectural, n’est pas le moindre des éléments qui rapprochent la résidence de France de l’esprit japonais.
À l’instar de l’architecture, la décoration intérieure parvient à combiner l’élégance du style à la française avec la concision et la sobriété japonaises. Si, dans les années 30, le mobilier commandé à Jacques-Émile Ruhlmann dialoguait habilement avec la modernité nouvelle d’une architecture de béton armé, si, deux décennies plus tard, les aménagements proposés par Jean Pascaud et Jacques Adnet offraient une vitrine des arts décoratifs français de cette époque, c’est bien le dialogue franco-japonais qui a été privilégié en 2008, lorsque l’architecte Manuel Tardits et l’agence Mikan se sont vu confier la création des meubles et le réaménagement de tous les espaces. Simplicité des formes et sobriété des matières sont à l’honneur, que ce soit à travers la patine des murs, les portes coulissantes en washi de l’artiste Eriko Horiki, les textiles de Reiko Sudo, autant d’expressions de la rencontre entre les savoir-faire japonais et français.
Œuvrant toujours dans le respect de ses prédécesseurs, chaque architecte a apporté sa propre vision du lieu. Je tiens ici à rendre hommage à tous les architectes, décorateurs et artistes qui ont uni leurs talents pour faire de cette résidence un endroit d’exception. Je souhaite également remercier les ambassadeurs qui m’ont précédé, ainsi que leurs épouses ; tous ont été les artisans, avec le ministère des Affaires étrangères, de ces métamorphoses successives. Tous ont eu à cœur de faire de cette résidence de France un lieu de convivialité et d’art de vivre à la française pour nos invités japonais, mais aussi une introduction à la découverte du Japon pour nos visiteurs français. Comme eux, je m’attache à faire de cette résidence un espace de rencontre entre le Japon et la France, un lieu de partage et de culture.
Ce livre porte la mémoire de ces échanges entre nos deux pays. Que soient remerciés tous ceux qui ont participé à cette belle aventure éditoriale : les auteurs, les photographes, les traducteurs, l’éditeur, et les sponsors grâce à qui nous garderons, à travers ces deux volumes, le souvenir d’un lieu qui, au-delà de ses multiples métamorphoses, reste le symbole du lien qui unit le Japon et la France.
Christian Masset
Ambassadeur de France au Japon depuis 2012
Un trésor au cœur de Tokyo. L'actuel site de l'ambassade de France constitue un patrimoine historique exceptionnel auquel la France accorde une importance capitale. Il s'agit d'un parc arboré de 2,5 hectares dont la forte déclivité exacerbe ses nombreuses qualités. […] Héritage de l'époque des shogunats, cette propriété a autrefois appartenu à la dynastie des seigneurs Tokugawa de Noagoya. Acquis par la France en 1972, le terrain est situé à Azabu dans l'arrondissement de Minato-ku. […] Insérer un nouveau bâtiment dans un tel site constituait un véritable défi. […]. De cette situation est né un bâtiment singularisé par la dualité de ses façades. La façade sud, minérale, avec peu de percements, est composée de panneaux de béton poli avec des inserts de granit vert et de marbre blanc. […] Quant à la façade nord, elle est entièrement vitrée.
Historienne de l’art, Hélène Kelmachter est spécialiste de l’art contemporain japonais. Conservateur à la Fondation Cartier pour l’art contemporain à Paris, de 1994 à 1997, elle a participé à l’organisation de nombreuses expositions thématiques ou monographiques, et a contribué à la rédaction de divers ouvrages.
Durant cinq ans, de 2007 à 2012, elle a occupé le poste d’attachée culturelle à l’Ambassade de France à Tokyo. Au cours de cette mission, elle a notamment conçu et organisé l’exposition No man’s land, présentée dans les anciens bâtiments de l'ambassade.
Architecte de formation, Sophie Trelcat est journaliste spécialisée en architecture, design et arts contemporains. Elle collabore avec de nombreux magazines parmi lesquels : A.M.C, Le Journal des Arts, Art Press, Les Inrocks, Vogue, d’A… Elle est également commissaire d’exposition —Christian de Portzamparc, Renzo Piano, Dentelles d’architecture ou encore Le stade, miroir de la ville— et auteure de plusieurs ouvrages. Aux Éditions internationales du Patrimoine, elle a co-écrit plusieurs monographies consacrées au patrimoine diplomatique français à l’étranger : Ambassade de France à Berlin (2010), Ambassade de France à Tokyo (2012), Résidence de France à Rabat (2014), Résidences de France à Singapour (2019) et Ambassade de France à New-Delhi (2019).
Depuis l’installation de la première représentation diplomatique française, au début de l’ère Meiji, puis son implantation à Tokyo en 1887, ou encore le développement d’un vaste projet architectural en 1957 sur le domaine du marquis Tokugawa, l’Ambassade de France au Japon a connu de multiples métamorphoses. Aboutissement de ces transformations, la nouvelle Ambassade, inaugurée en 2009, développe un ensemble immobilier cohérent qui réunit sur le même site l’ancienne résidence de France rénovée et les locaux de la chancellerie.
Aujourd’hui comme hier, les bâtiments de l’Ambassade de France s’affirment comme emblématiques de leur époque. En 1957, le bâtiment de Joseph Belmont offrait, par la sobriété de ses lignes et la modernité du béton brut, l’image d’un geste architectural à la fois novateur et reflétant l’esthétique de son temps. La nouvelle chancellerie créée par les architectes Pierre-Michel Delpeuch et Dominique Chavanne est elle aussi en phase avec le présent, répondant aux préoccupations environnementales actuelles, par l’utilisation de matériaux innovants et d’une technologie mise au service d’un bâtiment écologique et antisismique.
Novateur, ce bâtiment l’est aussi par le modèle économique qui l’a fait naître. Résultat d’un partenariat inédit entre le privé et le public, notre nouvelle Ambassade est le fruit d’un accord original, issu des réflexions et négociations menées par mes prédécesseurs. Je souhaite rendre un hommage appuyé au travail accompli par les ambassadeurs Maurice Gourdault-Montagne, Bernard de Montferrand et Gildas Le Lidec ainsi que Philippe Faure qui, d’abord en tant que Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères puis en tant qu’Ambassadeur de France au Japon, fut l’un des principaux artisans de la naissance de ce nouveau bâtiment.
Si l’Ambassade de France est résolument de son temps d’un point de vue architectural et technologique, elle l’est aussi par son aménagement intérieur qui réserve une place de choix aux plus grands noms du design français contemporain, ainsi qu’aux artistes dont plusieurs ont été invités à réaliser des œuvres in situ. Image de la France à travers cette expression artistique et architecturale, ce bâtiment entretient par ailleurs un dialogue étroit avec le Japon et le respect que celui-ci voue à la nature, par son inscription dans l’écrin de verdure qui l’entoure, l’ouverture des bureaux sur le parc à travers son rideau de verre, le lien particulièrement fort entre l’intérieur et l’extérieur.
Déployant sur quatre étages ses services consulaires, diplomatiques, culturels, scientifiques et économiques, l’Ambassade de France au Japon est l’une des plus grandes représentations diplomatiques françaises au monde, soulignant par sa taille l’importance des relations franco-japonaises. À l’aube du XXIe siècle, la France a eu à cœur de se doter de plusieurs bâtiments qui expriment ses liens solides et nombreux avec le Japon. Ainsi après l’Ambassade inaugurée en 2009, le nouveau Lycée français international de Tokyo a ouvert ses portes en 2012. Aujourd’hui, enfin, une réflexion est entamée sur un futur projet pour la rénovation de l’Institut français.
Chaque nouveau bâtiment est une aventure humaine. Je tiens à remercier tous les Ambassadeurs qui se sont succédés et ont marqué cette histoire architecturale de la présence française au Japon. Mes remerciements s’adressent tout particulièrement aux architectes, aux artistes, aux équipes françaises et japonaises, à tous nos partenaires enfin, pour avoir mis leur talent au service de la construction de cet édifice qui, pendant nombre de décennies incarnera l’image de la France au Japon et l’importance des liens qui unissent nos deux pays. Je me réjouis que ce livre – grâce à la générosité des entreprises mécènes, aux efforts de l’éditeur, des auteurs, photographes et traducteurs – puisse relater cette histoire architecturale, à travers un récit richement documenté qui passionnera les spécialistes d’architecture, comme les amateurs curieux ou les amis de la France et du Japon.
Christian Masset
Ambassadeur de France au Japon depuis 2012
Le 21 décembre 1935, la nouvelle légation de France à Belgrade était inaugurée en grande pompe. «Ce jour là, tout ce quela capitale yougoslave compt[ait] d’élite et d’élégance était réuni au cours d’une brillante réception» offerte par Robert de Dampierre et son épouse Leïla. Avec plus de huit cents invités, cette inauguration fut pour Belgrade un événement important. Le prince-régent Paul Karageorgévitch et la princesse Olga, accompagnés du président du Conseil, Milane Stoyadinovitch, et de tous les membres du gouvernement, rendirent hommage au magnifique hôtel diplomatique. Venu spécialement pour l’occasion, le «Quintette instrumental de Paris» interpréta une musique française, «ancienne et moderne», qui ravit l’ensemble des invités. Il joua Guillemain, Pierné, Debussy et Schmitt. Tous furent séduits par l’architecture et les décors du nouveau bâtiment dont l’exceptionnelle vue sur le confluent de la Save et du Danube, la ville de Zemun sur la rive opposée et le parc historique de Kalemegdan constitue, depuis près d’un demi-siècle, «l’un des plus beaux panoramas d’Europe»aux yeux de certains Français.
Emmanuel Bréon est à l’origine de la création du musée des Années 30 et du musée Paul Belmondo de Boulogne-Billancourt, deux musées dédiés à la période Art Déco dont il était directeur de 1983 à 2008. Directeur du musée de l'Orangerie de 2008 à 2011, il est actuellement conservateur en chef du patrimoine, chef du département des peintures murales et des vitraux du musée des Monuments français à la Cité de l’architecture & du patrimoine.
Chevalier des Arts et des Lettres, il a produit diverses expositions consacrées, entre autres, à Jacques-Émile Ruhlmann, Jules Leleu, Tamara de Lempicka... Par ailleurs, il est l’auteur de nombreuses publications dont une monographie consacrée au sculpteur Carlo Sarrabezolles. Il a reçu le Prix Houllevigue de l’Académie des Beaux-Arts et le Prix de la Critique à New York pour l’exposition Ruhlmann, Genius of Art Déco présentée au Metropolitan Museum of Art.
Docteur en histoire et civilisation de l’Institut universitaire européen de Florence, Stanislav Sretenović est chercheur titulaire à l’Institut national d’histoire contemporaine de Belgrade. Il travaille sur les relations entre la France, l’Italie et l’Europe centrale et balkanique au XXe siècle ainsi que sur la mémoire de la guerre, la culture et l’imaginaire dans les relations internationales.
En 2006, il a soutenu une thèse consacrée à "La France et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes 1918-1929 : des relations inter-étatiques inégales" à l'issue de laquelle un livre fut publié en Serbie en 2008. Il a participé à de nombreux colloques et publications dans des revues scientifiques de renommée en France et en Europe. Il parle et écrit le serbe (langue maternelle), français, anglais et italien.
Les Parisiens, certains Parisiens, aiment à se livrer à un petit jeu de société bien innocent qui tient, si l’on peut dire, de l’acte gratuit. Quelle est selon eux la plus belle parmi les ambassades installées à Paris ? À laquelle des trois candidates les plus souvent citées — l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie — va leur préférence ? Affaire de goût, affaire de cœur. J’ignore le nom du vainqueur de ce tiercé bien particulier. Ce petit jeu n’aurait pas lieu d’être à Rome où le Farnèse l’emporte sans conteste, mais je m’interroge sur le rang qu’occupe parmi les ambassades de Belgrade celle à laquelle la présente étude est dédiée.
Pour la placer parmi les premières, pour lui consacrer toute l’attention qu’elle mérite, il faudrait que soit réhabilité cet Art Déco si longtemps décrié et qui, au nom d’une avant-garde qui a «vampirisé» les divers courants artistiques contemporains, n’a, en dépit des majuscules auxquelles elle a droit, que lentement conquis ses lettres de noblesse. Et pourtant, de la complicité entre un architecte «officiel», Roger - Henri Expert, et un sculpteur «classique», Carlo Sarrabezolles, a surgi un chef-d’œuvre comme il n’en subsiste de par le monde que peu d’ exemples comparables: une œuvre d’art «totale» qui vaut autant pour son unité que pour son unicité.
Grâce à d’admirables photographies anciennes et contemporaines, grâce à l’érudition persuasive d’Emmanuel Bréon et de Stanislav Sretenović, nous pouvons aujourd’hui admirer sans parti-pris et sans préjugé cette exceptionnelle «Résidence de France». Un livre parfait qui donne l’envie d’aller voir et visiter l’original.
Pierre Rosenberg
Académicien, Président-Directeur honoraire du musée du Louvre
On entre dans cette belle demeure par la façade nord, comme le faisaient jadis, au temps des Qing, les sujets ordinaires et les fournisseurs de la Cité interdite; mais ici, la végétation entourant le porche permet d’imaginer ce qui se situe de l’autre côté, au-delà de la maison, au sud. Et l’on devine aisément que la visite, comme dans toutes les belles villas shanghaiennes construites par les Européens du temps de la République, se terminera dans le jardin, l’écrin vivant de la propriété.
Marie-Claire Bergère est historienne et sinologue. Ancienne élève de l’École normale supérieure (ENS), elle est agrégée d’histoire et docteur d’État en lettres et sciences humaines de l'université Paris-VII. Enseignante à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) et à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), ses thèmes de recherche sont la bourgeoisie chinoise et l'histoire de la Chine urbaine au XXe siècle. Elle est l’auteur de nombreuses publications. Membre du comité de rédaction de Vingtième siècle : revue d’histoire, elle a été promue Commandeur de la Légion d’Honneur en 2009.
Architecte, urbaniste, il enseigne le projet architectural depuis 2007 à l’université de Tongji à Shanghai au sein du College of Architecture and Urban Planning (CAUP). Après avoir travaillé entre la France et la Chine, sur divers projets en agence, il obtient une bourse du gouvernement chinois pour effectuer un doctorat en architecture. Son sujet porte sur les transformations et mises en valeur des lilong de Shanghai dirigé par Lu Yongyi à l’université de Tongji en cotutelle sous la direction conjointe de Nathalie Lancret, IPRAUS ENSA Paris-Belleville.
Membre du programme de recherche "Image et Patrimoine", il a publié en tant que co-auteur avec Christine Estève, l’opus Lilongs - Shanghai dans la collection "Cartes des Architectures discrètes" ainsi qu’un article pour la revue Croisements.
Danielle Elisseeff est historienne et sinologue. Ancienne élève de l’École des chartes, elle a rédigé une thèse intitulée La connaissance de la Chine en France au XVIIe siècle. Titulaire d'un doctorat de Paris VII, elle est membre statutaire du Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et a enseigné pendant trente ans l’histoire des arts de la Chine à l’École du Louvre. Elle est l’auteur de nombreuses publications.
Françoise Ged, architecte DPLG, HDR, dirige l’Observatoire de l’architecture de la Chine contemporaine à la Cité de l’architecture & du patrimoine.
Elle y pilote un programme de coopération fructueux sur le patrimoine urbain, paysager et architectural avec l’Université Tongji à Shanghai depuis 1998. Elle a également coordonné le programme présidentiel "150 architectes, urbanistes, paysagistes chinois en France 1998-2005" avec l’ambassade de France en Chine, porte ouverte aux échanges entre écoles et entre agences d’architecture et d’urbanisme. Elle participe et organise des séminaires, expositions, publications sur les thèmes de la ville, de l’architecture, du patrimoine en France et en Chine.
Le département de chinois de Langues O’ (INALCO) et l’Institut d’administration des entreprises à Nantes lui ont confié un cours et elle intervient régulièrement dans les Écoles nationales supérieures d’architecture. Françoise Ged a été lauréate de la Villa Médicis hors les Murs (1989 à Shanghai) et chevalier de l’Ordre national du Mérite (2007).
Depuis qu’en 1980, tournant la page d’une série de vicissitudes historiques, la France fut le premier grand pays occidental à rouvrir son Consulat général à Shanghai, la résidence a pris ses quartiers au cœur de ce qui était autrefois la Concession française. L’avenue Huaihai sur laquelle elle se situe, les «Champs Élysées de Shanghai», s’appelait autrefois l’avenue Joffre. C’est aujourd’hui une artère encombrée par une circulation dense et bruyante mais qui conserve une touche typiquement française, comme tout le quartier. En arpentant ces rues bordées de longues rangées de platanes, les fameux «arbres des Français», en levant les yeux vers les immeubles Art Déco aux motifs géométriques, en apercevant au fond des allées, à l’arrière des impasses, des trouées de verdure, de merveilleux jardins secrets, on comprend mieux ce qui a valu à la ville son surnom de «Paris de l’Orient». On se prend à imaginer ce qu’a pu être la vie dans cette Concession française qui, si elle n’a jamais été en mesure de rivaliser sur le plan économique avec sa grande sœur, la Concession internationale, l’a incontestablement surpassée dans l’art de vivre et aussi par son ouverture à toutes les avant-gardes artistiques et intellectuelles.
La «villa Basset», l’actuelle résidence consulaire, est intimement liée à cette histoire. Quel meilleur symbole de cette rencontre de l’Orient et de l’Occident qui est la marque de fabrique de Shanghai, l’origine du fameux style «haipai», que ce bel édifice de style «mauresque» prolongé par une véranda entourée des colonnes ioniques, dont le parc réunit la pièce d’eau à rochers taillés caractéristique des jardins du Jiangnan, une lanterne de pierre japonisante et une pergola à la française!
L’histoire des propriétaires successifs des lieux illustre bien les destinées hors normes qu’a produites et continue de produire «Shanghai la rebelle», ces existences romanesques, faites d’aventures, d’ambitions démesurées, d’incroyables rebondissements, d’ascensions fulgurantes et de chutes qui le sont plus encore.
Cette vénérable maison est aujourd’hui, au moment où les Français n’ont jamais été aussi nombreux à Shanghai, un formidable outil de travail, ancré dans l’histoire et tourné vers l’avenir, où se croisent chaque année des milliers d’amis chinois et, venues à leur rencontre, tout autant de personnalités françaises issues des horizons les plus variés car, aujourd’hui comme hier, la vraie richesse de Shanghai, la source de la formidable énergie de la ville, réside bien dans ce brassage des individualités, des nationalités et des cultures.
Les Éditions Internationales du Patrimoine, et la remarquable équipe éditoriale qu'elles ont constituée, ont effectué un travail exceptionnel dont je les remercie vivement. Elles ont su resituer ce symbole de la présence française à Shanghai dans une histoire chargée de sens. Le soutien de généreux mécènes a permis de réaliser un ouvrage qui à la rigueur de la recherche associe une superbe présentation, qu’ils en soient eux aussi remerciés. Je suis heureux que de nouveaux lecteurs, chinois ou français, puissent ainsi découvrir le charme des lieux, leur histoire et peut-être leurs secrets, en attendant, je l’espère, de pouvoir les voir par eux-mêmes un jour que j’espère aussi rapproché que possible.
Emmanuel Lenain
Consul général de France à Shanghai
Dix ans seulement après son établissement auprès du jeune État roumain, la légation de France s’installait dans un bâtiment neuf, construit spécialement pour elle à Bucarest. Pour conserver sa place de puissance européenne, la France donnait du lustre à sa représentation et l’hôtel particulier de la rue Biserica Amzei en serait désormais la scène.
Au bal d’inauguration organisé en 1892 par Gustave de Coutouly (1838-1912), ministre de France et artisan de cette réussite, le prince héritier Ferdinand et la princesse Marie étaient les invités d’honneur. Sous le porche qui rivalisait avec celui du Théâtre national de Bucarest passaient les élégants équipages dont l’éclat bucarestois était connu des étrangers. « Bucarest est l’une des villes d’Europe où le luxe se déploie avec le plus d’intensité, où la vie mondaine est des plus animées ». Dans un pays qui quittait la tutelle de l’Orient pour se tourner résolument vers l’Occident, la question du décor de la légation était essentielle. En traversant par les pièces de réception, les visiteurs découvraient plusieurs salons, un salon-bibliothèque et une salle de bal. Sous la grande ouverture centrale inondant de lumière l’intérieur de l’hôtel, des hommes et des femmes, élégants, vêtus à la dernière mode de Paris, défilaient vers le jardin. Ce jour de fête, dont la résidence de France fut le témoin, brille encore dans la longue construction des relations diplomatiques franco-roumaines.
Bogdan Andrei Fezi est architecte, titulaire d’ un doctorat en architecture et urbanisme de l’Université Paris 8, après un DEA à l’ École d’ architecture de Paris-Belleville. Ancien chercheur au laboratoire IPRAUS du CNRS et directeur de recherche à l’UAUIM, à Bucarest, où il enseigne actuellement. Il réalise des projets d’ architecture en France et en Roumanie en collaboration ou en association avec Architecture, Paris, et reçoit des prix internationaux.
Principales publications : "De la systématisation de Bucarest à la destruction des villages roumains", In Situ, 2013 ; "Bucarest, le petit Paris. Un siècle de voierie, réseaux, hydraulique, 1831-1939", Édifices & Artifice : Histoires constructives, Picard, 2010 ; Bucarest et l'influence française. Entre modèle et paradigme urbain. 1831-1921, L'Harmattan, 2005 ; "Bucarest, le petit Paris des Balkans. L'architecte roumain Duiliu Marcu, diplômé de l'École des beaux-arts de Paris", Livraisons de l'histoire de l'architecture, 2004.
Historien de l’ art, conférencier des musées nationaux, ancien chargé de travaux dirigés à l’ École du Louvre, Jean-Marc Irollo est actuellement directeur adjoint des ressources humaines au musée du Louvre. Il est chevalier des Arts et des Lettres depuis 2007.
Il est l’ auteur de nombreuses publications parmi lesquelles Mémoires en aquarelle : châteaux et jardins disparus des Hauts-de-Seine, une Histoire des Étrusques et plusieurs ouvrages sur la peinture française et italienne. Il a également écrit des articles pour les catalogues des expositions « Tamara de Lempicka », « Les enfants modèles », « Lipchtiz, les années françaises 1910-1940 » et « 1925 quand l’ Art Déco séduit le monde ». Il est aussi co-auteur de l'ouvrage Résidence de France à Bucarest et La résidence de France à Londres parus aux Éditions internationales du Patrimoine.
Durant trois années, de 1933 à 1936, mon père a représenté la France à Bucarest. Entre Munich où l’arrivée au pouvoir du national-socialisme avait rendu l’atmosphère irrespirable et Rio de Janeiro où mon père, ardemment républicain, ardemment démocrate, ne tissa jamais des liens de confiance avec le dictateur Getulio Vargas, sa mission à Bucarest fut un havre de grâce et, je crois, le sommet de sa carrière. Ce furent, en tout cas, les trois années les plus heureuses de sa vie.
Nous sommes allés trois fois de France en Roumanie. La première année en train ; la seconde année en voiture ; la troisième par bateau en passant par Venise et en essuyant en mer Noire une tempête spectaculaire. Nous arrivions rue Bizerica Amsei.
Je revois la maison, le jardin, les quelques marches qui menaient de l’une à l’autre et où a été prise une photographie de mon père entre ses deux fils. Je me souviens aussi — existe-t-elle encore ? — d’une espèce de balustrade d’où mon frère et moi nous guettions les invités les soirs de grands dîners.
Entre l’Allemagne devenue nationale-socialiste et la Russie communiste, la situation n’était pas de tout repos. Très attaché à la paix, à la coopération internationale et à la Société des nations, très hostile à la « Garde de fer », mouvement d’extrême-droite dans la Roumanie de cette époque, mon père se lia assez vite et intimement avec Tataresco et avec Titulesco qui étaient à l’époque des personnages importants sur la scène politique roumaine et même internationale. Les Roumains étaient souvent francophones, ils étaient tous francophiles. À plusieurs reprises, mon père fut invité à assister au Conseil des ministres.
Les souvenirs se pressent dans ma mémoire. Quand il arrivait par hasard au Quai d’Orsay de confondre Bucarest et Budapest, mon père ne cachait pas son mécontentement. Je l’ ai vu, dans le salon de la rue Bizerica Amsei en proie à un chagrin qui touchait au désespoir : c’était le soir du 9 octobre 1934, jour de l’assassinat de Louis Barthou et du roi Alexandre de Yougoslavie à Marseille.
Mon père qui, en quasi janséniste, ne plaisantait pas avec les mœurs, aimait la compagnie des femmes. Deux femmes, très différentes l’une de l’ autre, mais également remarquables, ont joué un rôle dans sa vie : la princesse Bibesco et Hélène Vacaresco. Auteur de plusieurs livres qui ont connu leur heure de notoriété, la princesse Bibesco était très belle. Française de culture et de cœur, très brillante, Hélène Vacaresco, moins favorisée par la nature, avait invité mon père à prononcer avec elle une conférence à deux voix sur l’amour et l’amitié : « Vous parlerez de l’amitié comme Cicéron ; je parlerai de l’amour comme tout le monde. » Un jour où mon père avait refusé une invitation à dîner de la princesse Bibesco parce qu’il s’était déjà engagé ce soir-là avec Hélène Vacaresco, la princesse lui lança : « Faites très attention ! ne vous trompez pas : le devant c’est le côté où il y a la broche. »
Je ne tenais pas beaucoup à aller jouer au palais royal avec le fils du roi Carol. Je préférais rester rue Bizerica Amsei à écouter les histoires de mon père. Il me racontait, par exemple, qu’à une réception au palais, le roi avait déjà vu défiler une demi-douzaine de Ghika. Lorsqu’on lui présenta un septième membre de la famille, il aurait murmuré : « Si jeune, et déjà Ghika ! ... »
De temps en temps nous quittions Bucarest pour nous rendre à Mogoshaia, ou dans l’une des propriétés des Brancovan, ou à Sinaia pour skier sur d’invraisemblables skis en bois et à lanières, ou alors en Bukovine où les merveilleuses églises de Suceava, de Sucevitsa, de Voronets, restent gravées dans ma mémoire. Je me souviens d’un trajet en traîneau sur et sous la neige de l’hiver. Nous apercevions au loin des taches noires minuscules : c’étaient des loups. Peut-être pour m’amuser, on avait chargé à bord du traîneau quelques morceaux de viande : je les jetais négligemment par-dessus bord pour éloigner le fauves qui ne nous menaçaient guère.
Nommé ambassadeur au Brésil, mon père quitta Bucarest avec regret. Et avec inquiétude. Il se doutait bien que la « Petite Entente » — entre la Roumanie, la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie — à laquelle il avait tant travaillé allait connaître des jours difficiles entre l’Allemagne de Hitler et la Russie de Staline. Il savait déjà, je crois — il nous en parlait avec angoisse —, qu’avec toute l’Europe et le monde entier, la Roumanie entrait dans les sombres années de la seconde avant-guerre.
Jean d'Ormesson
Académicien
Depuis plus de soixante-dix ans, le consulat général de France à New York est installé au 934 Cinquième Avenue. Aujourd’hui dominé par des immeubles d’habitation, cet hôtel particulier construit entre 1925 et 1926 pour Charles E. Mitchell, président de la National City Bank, constitue l’un des derniers vestiges des grandes demeures qui bordaient autrefois la Cinquième Avenue. Conçu par les architectes Walker & Gillette, ce remarquable bâtiment d’inspiration Renaissance italienne est fortement marqué par la formation que reçut Léon Gillette à l’École des Beaux-Arts de Paris au d.but du XXe siècle.
Lorsque Charles E. Mitchell résidait au 934, la demeure vivait au rythme de la musique jouée par son épouse et ses amis musiciens parmi lesquels on pouvait compter Fritz Kreisler et George Gershwin. Dernier hôtel particulier des sept que comptait autrefois ce block, le 934 doit sa survie à son acquisition par le gouvernement français en 1942 pour y installer son consulat général de France à New York.
Après des études d’histoire de l’art, d’histoire et de muséologie à l’ Université ainsi qu’à l’École du Louvre, Cécile Girardeau a été reçue au concours de conservateur du patrimoine. Elle est actuellement en formation à l’Institut national du Patrimoine.
Spécialisée en art moderne et contemporain, elle a réalisé des travaux de recherche sur l’artiste allemand Thomas Schütte.
Historien, écrivain, spécialiste en architecture de la ville de New York, Anthony W. Robins est titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art du Courtauld Institute of Art de Londres. En 1997, il obtient un « Rome Prize » en architecture — équivalent américain du Prix de Rome — et séjourne à l’American Academy de Rome. Pendant vingt ans, il fut directeur adjoint, chargé de la recherche et des études, à la Commission de Préservation des Monuments de la ville de New York (Landmarks Preservation Commission).
Parmi ses publications : Grand Central Terminal : 100 Years of a New York Landmark (2013), The World Trade Center-Classics of American Architecture (1987, 2012) et Subway Style (2004). Il est l’auteur de nombreux articles publiés dans le New York Times, le New York Magazine, l’Architectural Record et la revue Preservation. Il donne également des conférences à travers le monde, enseigne à l’université de Columbia et à l’université de New York et a fait visiter la ville de New York à des milliers de touristes et de new-yorkais.
La France et New York ont tissé depuis le XVIII e siècle des liens uniques, nourris par une profonde fascination réciproque : notre pays a ainsi été le premier à ouvrir un consulat général à New York, en 1783, avant même les Pays-Bas, pourtant fondateurs de la Nouvelle Amsterdam.
Les échanges entre la France et New York se sont construits depuis sur des voyages permanents d’une rive à l’autre de l’Atlantique, des courants d’affaires essentiels à l’économie des deux nations ou encore des coopérations universitaires, culturelles et scientifiques de portée fondamentale. Le voyage à New York a aussi inspiré des œuvres littéraires de premier plan : Céline, Cendrars, Morand… ou encore Saint-Exupéry qui y a écrit Le Petit Prince et dont le manuscrit est abrité par la Morgan Library, tout comme la France a séduit Hemingway, Miller ou F. Scott Fitzgerald.
Cette histoire partagée s’appuie également sur les Français de New York qui se sont illustrés tout au long de l’histoire par leur esprit d’entreprise.
La richesse de ce lien s’incarne dans un lieu à la mesure de sa valeur : le 934 Fifth Avenue.
Le consulat général de France, maison de la France et de tous les Français de New York, siège depuis plus de soixante ans à cette prestigieuse adresse, l’un des joyaux du patrimoine français aux États-Unis et dans le monde. Son grand drapeau tricolore flottant sur la superbe façade d’inspiration Renaissance est familier de tous les New-Yorkais.
Les fondateurs du 934 Fifth Avenue, M. Charles E. Mitchell et son épouse, avaient conçu en 1925 leur demeure comme un lieu de culture, en particulier littéraire et musicale.
C’est dans le même esprit d’ouverture que le consulat reçoit cha-que année, au profit de la France, des Français et de l’amitié franco-américaine, plus de 15 000 invités. Il lui revient la mission exaltante d’approfondir encore la relation si particulière qui unit la France et la ville de New York. C’est cette vitrine exceptionnelle de la France que vous allez découvrir au fil des pages. Je vous invite à visiter « le 934 » à travers ce remarquable ouvrage, en attendant d’avoir la joie de vous y accueillir.
Bertrand Lortholary
Consul général de France à New York
Sur le boulevard du Régent, à l’arrière d’un discret jardin où alternent roses et buis, s’élève un vaste hôtel particulier en pierre des Ardennes construit à la fin des années 1860 par le vicomte de Spoelberch de Lovenjoul. Témoin des projets urbanistiques initiés par Léopold II, l’édifice rappelle l’époque où Bruxelles s’érigea en métropole digne de rivaliser avec les plus grandes capitales européennes. Près de la porte cochère, deux plaques commémorent le don que fit Charles de Lovenjoul à la France, ce passionné de littérature dont la collection d’autographes romantiques est conservée à l’Institut de France.
Sur la rue Ducale, la façade en pierre blonde de la chancellerie offre au regard des passants une architecture sobre caractéristique des débuts du XX e siècle. Inauguré le 13 décembre 1911, le bâtiment exalte les valeurs de la République française grâce à une modénature plus riche construite selon une structure ternaire et rythmée par des groupes sculptés figurant la Liberté, l’Égalité et la Fraternité.
Ces deux façades, avers et revers d’une même médaille, enserrent depuis plus d’un siècle l’ambassade de France près le royaume de Belgique. Elle a connu de grands bouleversements mondiaux, de grandes espérances pour l’avenir. De grands ambassadeurs s’y sont succédés, ils ont eu à coeur de la faire vivre et ont reçu la visite de personnalités politiques et culturelles exceptionnelles.
Archiviste-paléographe, conservateur général du patrimoine, Monique Constant a fait toute sa carrière à la direction des archives du ministère des Affaires étrangères. Chef du département historique de 1990 à 1999, directrice-adjointe de 1999 à 2012, elle a consacré de nombreux travaux à l’histoire des relations internationales aux XIXe et XXe siècles. Elle a reçu les insignes d’officier de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du Mérite.
Voici un hommage bien mérité à la splendide résidence Lovenjoul. Cette très belle demeure, magnifiquement illustrée ici, entre dans le patrimoine de la France en 1907. La propriété permet également la construction d’un bâtiment abritant la chancellerie. Construit de 1909 à 1911 par Georges Chedanne, il est classé par les Monuments et Sites comme unique exemple de style Art Nouveau français à Bruxelles.
L’histoire du legs de cette propriété illustre magnifiquement le rayonnement culturel de la France au début du siècle dernier ! Le Vicomte Charles de Spoelberch de Lovenjoul, bibliophile passionné par le romantisme français, a constitué une exceptionnelle collection de 40 000 ouvrages. Ami d’Honoré de Balzac, Théophile Gautier, Gérard de Nerval, George Sand, il a souhaité que sa bibliothèque ne soit pas dispersée à sa mort et l’a léguée à l’Institut de France. Ce fonds exceptionnel est conservé depuis 1987 Quai de Conti après avoir été installé dans l’Hôtel Spoelberch de Lovenjoul de Chantilly. Très largement consulté, il constitue une source inégalable d’information et d’études pour les chercheurs et étudiants.
L’hôtel particulier du boulevard du Régent à Bruxelles selon la volonté du Vicomte, était destiné à servir de résidence à l’ambassadeur auprès du Roi des Belges et devait conforter le don de sa chère bibliothèque. Fruit d’une passion pour la littérature française, l’histoire de cette magnifique demeure est un symbole fort de l’amitié franco-belge et, aujourd’hui rénovée, offre un superbe cadre au service de l’excellence des relations franco-belges.
Bernard Valero
Ambassadeur de France en Belgique
Premier bâtiment construit à Paris pour abriter un ministère, il a été conçu dès l'origine comme une vitrine de l'excellence française et un outil au service du rayonnement de la France. Décoré de peintures, d'objets d'art et d'un mobilier exceptionnels, il a été aménagé ainsi pour faire impression sur les visiteurs et laisser une trace durable dans leur mémoire. Plus d'un siècle et demi après, cet écrin diplomatique continue de remplir sa fonction au service de notre politique étrangère.
Jean Fouace est conservateur en chef au Mobilier national. Il a exercé de 1982 à 1998 des fonctions au ministère de la Culture et de la Communication, au sein du service de la restauration de la Direction des musées de France ainsi qu'au Fonds national d'art contemporain.
De 1998 à 2006, chargé de mission à la mission du patrimoine du ministère des Affaires étrangères et européennes, il a participé à plusieurs publications collectives sur l'histoire des ambassades de France. Il a notamment réalisé une étude intitulée "La décoration de l'ambassade de France à Ottawa : du projet de l'architecte Eugène Beaudouin en 1936 aux aménagements du Mobilier national dans les années cinquante", publiée en 2006 dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français.
Jean-Michel Leniaud est directeur de l’École nationale des Chartes depuis septembre 2011. De 1998 à 2011, il a été membre de la commission nationale des monuments historiques. Il est président du conseil scientifique de l’Institut national du patrimoine, membre du conseil supérieur des archives ainsi que des collèges régionaux du patrimoine des sites d’Île-de-France et de Poitou-Charentes.
Sorti de l’École des Chartes en 1976, il est également diplômé de l’EPHE (École pratique des hautes études), docteur d’État en droit et habilité à diriger les recherches en lettres et sciences humaines. De 1977 à 1990, il a exercé diverses fonctions au ministère de la Culture à l’inspection des monuments historiques, dans les services extérieurs et en administration centrale. En 1990, il est nommé directeur d’études à l’EPHE (École pratique des hautes études) dans la section des sciences historiques et philologiques et aussi, en 1996, professeur à l’École nationale des Chartes.
Spécialiste d’histoire du patrimoine et d’histoire de l’art des XIXe et XXe siècles, il a publié une trentaine d’ouvrages sur l’architecture, le patrimoine et l’histoire religieuse de l’époque contemporaine. Ses travaux ont obtenu des prix de l’Académie française, de l’Académie des beaux-arts et de l’Académie des sciences morales et politiques. Il est également rédacteur en chef des Livraisons d’histoire de l’architecture.
Responsable de la rubrique « art culinaire » à Beaux-arts Magazine entre 1998 et 2007, il a parallèlement dirigé pour ce titre de nombreux dossiers sur le goût et des numéros hors série avec des écrivains invités. Spécialiste de la confrontation des arts plastiques et de l’ alimentation, il a assuré le commissariat d’une série d’événements à la Fondation Cartier et des performances pour des manifestations comme la Nuit Blanche, à Paris en 2009. Il a été nommé, entre 2007 et 2010, rapporteur pour le concours de l’Académie de France à Rome — délégation aux Arts plastiques, ministère de la Culture et de la Communication — dans la discipline arts culinaires.
C’ est dans la rencontre de l’ écriture, de l’ art contemporain et de la cuisine que Gilles Stassart a tissé son parcours atypique. Passé aux fourneaux en 2005, il a côtoyé les cuisines de Marc Meneau, Inaki Aizpitarte et enfin Laurent Chareau. Après les cuisines du Transversal, il a dirigé les fourneaux du Nomiya, restaurant éphémère sur le toit du Palais de Tokyo à Paris.
Au commencement était François Guizot ; Guizot traducteur de Gibbon et méditant cette phrase de l’ Histoire du déclin et de la chute de l’ Empire romain : « Ce fut dans les ouvrages destinés à la gloire et à l’ utilité de la nation, que les plus vertueux empereurs déployèrent leur munificence. » C’ est à lui que l’ on doit cette singularité remarquable dans toute l’ histoire de l’ architecture du XIX e siècle, la construction du ministère des Affaires étrangères. Car l’ idée était nouvelle, quand tant de services de l’ État investissaient et réaménageaient — souvent difficilement — d’ anciens hôtels particuliers, de bâtir un ensemble spécifique ; l’ idée était nouvelle d’ élever, à côté des bâtiments de l’ administration, un véritable palais, destiné certes au ministre mais, plus encore, à la représentation de la France. « Représenter » est le maître-mot d’ un programme qui s’ inscrit sur un terrain remarquable, suscite naturellement — le long de la Seine, à proximité du Palais-Bourbon et de la place de la Concorde, non loin du Louvre et du palais des Tuileries — l’ ambition palatiale et réclame nécessairement un chef-d’ œuvre. Dans ce qui est alors l’ extrême ouest parisien et reste, au-delà des Invalides, une succession de villages, l’ architecte Lacornée élève donc un palais et, par ses références multiples, le rattache au Paris monumental, splendide avatar des bâtiments qui, depuis la Monnaie, jalonnent la Seine.
Commencé sous la Monarchie de juillet, le palais fut terminé sous le Second Empire. Il connut les vicissitudes de la plupart de nos « grands chantiers », hésitations quant à sa nécessité — celles de la II e République —, délais, surcoûts, mais prouva aussi la continuité de l’ État : Napoléon III acheva ce qu’ avait voulu Louis-Philippe. Il apparaît paradoxalement comme un chef-d’ œuvre de l’ art du Second Empire et, chronologiquement le premier, fait figure de prototype. Promu par Guizot dont les écrits et l’ éloquence, comme toute la personne, se signalaient par l’ austérité, la concision, une certaine brusquerie, le refus de l’ ornement, il est profus, volubile, coloré. Cette abondance décorative choqua. Ceux que Huysmans appellera les « raffinés » — quelques diplomates étrangers notamment — raillèrent ce qu’ ils jugeaient goût de parvenu. Mais ce qu’ ils critiquaient ainsi ce n’ était pas le manque de retenue, la négligence du bon ton, mais, en ce milieu du siècle, une architecture nouvelle, moderne, qui récuse le comme il faut, mélange les matériaux, conjugue les références les plus diverses ; cet éclectisme triomphant qui n’ est pas un catalogue désordonné de citations et d’ emprunts mais bien un style propre, audacieux, novateur, porté par le maître d’ œuvre architecte et la pléiade de décorateurs qui travaillent avec lui. Une œuvre d’ art totale, serait-on tenté de dire, où architecture et décor ne font qu’ un.
Plus tard, Charles Garnier, défendant son Nouvel Opéra, dut répondre à des critiques comparables. Il fustigera alors ceux qui lui reprochaient sa polychromie et son brillant — « Trop d’or ! » —, les citations nombreuses et dévoyées, la surcharge qui ne laisse à l’ œil aucun repos, sa volonté d’ assujettir tous ses collaborateurs, peintres, sculpteurs, orne-manistes, tapissiers, à une conception unique et souveraine. Puisant dans les sources et ressources innombrables qu’ offraient les registres du monde, les combinant et les unifiant, Charles Garnier parlait d’ « architecture métisse ». Et l’ expression peut être également appliquée au Palais des Affaires étrangères. Si en cela il se rapproche de l’ œuvre de Garnier, il s’ en distingue par le peu de place qu’ il fait à la peinture ; pas de grand cycle confié à un des nombreux artistes capables alors de couvrir de vastes surfaces, mais une escouade de décorateurs — beaucoup viennent du théâtre — qui travaillent en complète harmonie. Et l’ union fait la force ; tant de talents réunis, la plupart secondaires, plus praticiens que créateurs, font un chef-d’ œuvre.
Sa construction d’ un seul jet, sa cohérence n’ ont pas interdit les aménagements ultérieurs et, de Lacornée à Jean Niermans, à Jean-Michel Wilmotte, le Palais des Affaires étrangères trace une histoire de l’ architecture et du décor français. Ces heureuses adaptations — on pense notamment à la salle de bains du roi d’ Auguste Labouret — témoignent d’ un bâtiment vivant et qui sait assimiler de nouveaux usages sans renier sa vocation et son architecture d’ origine. Tel quel, habité, utilisé, modifié, vécu, il a accompagné depuis un siècle et demi la diplomatie française. Il la représente et l’ illustre, une ambassade et un symbole. Un modèle aussi qui rappelle avec force, depuis les débuts difficiles, la volonté persévérante de l’ État et dit, avec ses mots à lui, ceux de son architecture et de son décor, les impératifs d’ une politique qui doit conjuguer la maîtrise, l’ éclat et la grandeur.
Henry Loyrette
Conseiller d'État, Président directeur du musée du Louvre de 2001 à 2013.
Kensington Palace Gardens est à bien des égards la rue la plus singulière de Londres, tant par sa largeur et sa longueur — plus d’un kilomètre — que par ses palais situés en retrait de la rue, enserrés dans leurs propres parcs. Ce qui frappe le plus c’est le silence de la rue, alors que Kensington High Street et Notting Hill Gate, deux des points nodaux les plus fréquentés de Londres, se trouvent seulement à quelques pas. L’ensemble procure un sentiment de privilège que l’on ne retrouve nulle part ailleurs à Londres. Ce qui n’avait d’ailleurs pas échappé au chroniqueur londonien Sir Walter Besant qui déclarait en 1911 que « cette route est ouverte à la circulation ordinaire par tolérance et est susceptible d’être fermée à tout moment ».
Historien de l’ art, conférencier des musées nationaux, ancien chargé de travaux dirigés à l’ École du Louvre, Jean-Marc Irollo est actuellement directeur adjoint des ressources humaines au musée du Louvre. Il est chevalier des Arts et des Lettres depuis 2007.
Il est l’ auteur de nombreuses publications parmi lesquelles Mémoires en aquarelle : châteaux et jardins disparus des Hauts-de-Seine, une Histoire des Étrusques et plusieurs ouvrages sur la peinture française et italienne. Il a également écrit des articles pour les catalogues des expositions « Tamara de Lempicka », « Les enfants modèles », « Lipchtiz, les années françaises 1910-1940 » et « 1925 quand l’ Art Déco séduit le monde ». Il est aussi co-auteur de l'ouvrage Résidence de France à Bucarest et La résidence de France à Londres parus aux Éditions internationales du Patrimoine.
Né en Allemagne, Stefan Muthesius est historien de l’architecture, de l’urbanisme et des arts appliqués des XVIIIe, XIXe et XXe siècles. Il a étudié à Munich, Marburg et Londres.Professeur honoraire à l’université d’East Anglia à Norwich en Angleterre, il a enseigné au sein du département des World Art Studies. Il a également donné des cours dans les universités de Baltimore, Kiel, Paris (Sorbonne), Vienne, Cracovie et Londres (Royal College of Art).
Stefan Muthesius est l’auteur de nombreuses publications parmi lesquelles : Das englische Vorbild. Eine Studie zu den deutschen Reformbewegungen in Architektur, Wohnbau und Kunstgewerbe im spaeteren 19. Jahrhundert(1974); Victorian Architecture co-écrit avec Roger Dixon (1978); Polska. Art Architecture Design, textes en polonais, anglais, français et allemand (1994); The postwar University. Utopianist Campus and College (2000) et The Poetic Home. Designing the 19 th century domestic Interior (2009).
Son ouvrage The English Terraced House a reçu le prix Sir Banister Fletcher en 1982 et Tower Block: Modern Public Housing in England, Scotland, Wales and Northern Ireland, co-écrit avec Miles Glendinning, a été récompensé en 1995 par la médaille Alice Davis Hitchcock (Society of Architectural Historians of Great Britain).
Si l’architecture est « la physionomie des nations », la résidence de France à Londres est bien à l’image de la relation bilatérale qu’elle incarne : évolutive, ouverte et harmonieuse.
Construite au milieu du XIXe siècle pour un riche négociant espagnol, le 11 Kensington Palace Gardens a été conçu selon les plans de Sydney Smirke, architecte de la célèbre salle de lecture circulaire du British Museum. Emblématique de la mode italianisante de l’époque, cette villa idéalement située à l’orée de Hyde Park dut par deux fois renaître de ses cendres. De ces incendies successifs triomphèrent une façade de stuc blanc caractéristique des « palais urbains » londoniens, un jardin ouvert sur l’étendue verte la plus célèbre de la ville et un intérieur orné de boiseries, miroir du « goût français ». L’histoire de ses murs, rebâtis conjointement par des artisans français et britanniques, fait de la résidence de France un symbole vivant de notre coopération.
Acquise par la France au lendemain de la seconde guerre mondiale, elle garde en mémoire les grands épisodes de la relation franco-britannique depuis lors. En 1946, René Massigli, commissaire aux Affaires étrangères de la France Libre et premier ambassadeur de l’après-guerre, souhaite identifier un lieu digne d’accueillir le représentant de la France, distinct du bâtiment historique d’Albert Gate qui abritait depuis 1854 les services de l’ambassade et la résidence.
Il élit domicile au 11 Kensington Palace Gardens, jusqu’alors occupé par une unité des forces aériennes chargées du réseau de montgolfières. En 1950, le président de la République Vincent Auriol inaugure ce lieu d’exception en présence du souverain George VI, de son épouse la reine Elizabeth et de leurs filles, les princesses Margaret et Elizabeth. Devenue la reine Elizabeth II, celle-ci reviendra en ces lieux lors des dîners offerts en son honneur par les présidents Charles de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac à l’occasion de leurs visites d’État au Royaume-Uni.
L’ancienne résidence du dixième duc de Marlborough offre à la France une place de choix le long de cette allée ombragée, entre voisinage royal du Palais de Kensington, missions diplomatiques et puissants du monde entier.
L’édifice est sobre : le style Régence résiste encore aux ornements victoriens. Mais l’intérieur offre un modèle de raffinement français. Les boiseries dorées, la salle de bal, les tapisseries des Gobelins et deux inestimables tableaux d’Hubert Robert témoignent d’un art de vivre partagé des deux côtés de la Manche.
Lieu de réception, la résidence est aussi un espace vivant d’échanges et de négociations, un instrument de travail au service de l’influence française. Sous le portrait de Talleyrand, la mission de son locataire reste inchangée : œuvrer à « une alliance intime entre la France et l’Angleterre », selon les mots du génie de la diplomatie qui occupa les fonctions d’ambassadeur auprès de la Couronne britannique.
Bernard Émié
Ambassadeur de France au Royaume-Uni
Construite, sur un terrain en pente douce, la résidence de l’ambassadeur se caractérise par de grands volumes aux formes pures et aux surfaces lisses. L’édifice, à deux étages, présente un placage uniforme en pierre de Colmenar animé par de légères moulurations et une corniche en saillie qui délimite très nettement le dernier étage du reste du bâtiment. Le minimalisme du décor et la pureté des lignes mettant en valeur les volumes permettent de rattacher l’édifice au courant architectural de l’art déco, fortement influencé ici par une composante moderniste.
Jean-Marc Delaunay a fait toutes ses études supérieures à l’Université Paris-1 Panthéon Sorbonne. Agrégé d’histoire en 1977, il a été membre de la Casa de Velázquez de 1979 à 1982 en vue d’y préparer une thèse d’État — sous la direction du professeur Jean-Baptiste Duroselle, puis du professeur Jean-Claude Allain — sur les relations franco-espagnoles à la charnière des XIX e et XX e siècles. Auteur d’une thèse de 3 e cycle sur l’histoire de la Casa de Velázquez (Des palais en Espagne, Madrid 1994, 670 p.), il a soutenu sa thèse d’État en 2000, à la Sorbonne, sur les relations entre les deux pays avant la guerre de 1914. (Méfiance cordiale, 3 vol. Paris, 2010, 2 800 p.).
Il est aussi l’auteur de dizaines d’articles et communications de colloques sur les relations franco-espagnoles et les relations culturelles internationales, parmi d’autres contributions à l’histoire contemporaine. Rédacteur en chef-adjoint de la revue franco-suisse Relations internationales, il continue à écrire sur ces thèmes comme professeur émérite.
Historien de l’ art, conférencier des musées nationaux, ancien chargé de travaux dirigés à l’ École du Louvre, Jean-Marc Irollo est actuellement directeur adjoint des ressources humaines au musée du Louvre. Il est chevalier des Arts et des Lettres depuis 2007.
Il est l’ auteur de nombreuses publications parmi lesquelles Mémoires en aquarelle : châteaux et jardins disparus des Hauts-de-Seine, une Histoire des Étrusques et plusieurs ouvrages sur la peinture française et italienne. Il a également écrit des articles pour les catalogues des expositions « Tamara de Lempicka », « Les enfants modèles », « Lipchtiz, les années françaises 1910-1940 » et « 1925 quand l’ Art Déco séduit le monde ». Il est aussi co-auteur de l'ouvrage Résidence de France à Bucarest et La résidence de France à Londres parus aux Éditions internationales du Patrimoine.
La providence a des voies surprenantes. C’est au pire moment de notre histoire, alors que la France humiliée avait perdu honneur et liberté, que Franco battait froid le régime de Vichy autant que la III e République, que nous pûmes acheter au très francophile banquier basque et marquis d’Urquijo le site qui nous donne aujourd’hui à Madrid une place d’exception. Grâces paradoxales en soient rendues à François Piétri, le successeur du maréchal Pétain comme ambassadeur en Espagne qui, s’il fut condamné à l’indignité nationale, nous laissa ce superbe héritage.
Que de messages porte cette demeure ! Celui de l’une des vertus les plus prisées du caractère espagnol, aguantar, c’est-à-dire endurer, résister : car il fallut un vrai acte de foi de l’acheteur comme du vendeur pour que ce bien nous revienne en 1941 ; car il nous fallut un quart de siècle pour remettre en état le domaine et donner à la France une résidence digne du remarquable essor de nos relations depuis la Transition. Celui de notre avenir, tant l’incroyable parc privé aux arbres centenaires en plein cœur de la ville nous rappelle l’exigence de notre temps, l’invention d’un mode de vie nouveau, respectueux de la nature, beau projet de civilisation pour la France du XXI e siècle. Celui du secret du génie français, l’alliance de la vision moderniste que porte l’architecture de la maison, dans sa noble austérité, et de l’enracinement dans le passé national dont témoigne une décoration tout entière vouée au Grand Roi. Celui, enfin, de l’union entre les peuples français et espagnol, telle qu’illustrée par les tapisseries des Gobelins célébrant le mariage de Louis XIV avec sa double cousine germaine, l’infante Marie-Thérèse.
Mais il est deux autres lieux dont je souhaite dire un mot tant ils parlent aussi de la France. Notre ambassade, c’est en vain que nous cherchons à la vendre depuis plus d’un siècle, au point qu’elle est devenue la plus ancienne de toutes. Situé dans une rue nommée d’un ancien Premier ministre de la reine Isabelle II, deux fois ambassadeur à Paris, l’hôtel particulier très fin de siècle est orné d’une coquine Vénus nue qui rappelle qu’ici, selon la légende, le roi Alphonse XII venait se reposer de son épouse Habsbourg avec une cantatrice. Quant à la magnifique Casa de Velázquez, site de l’École française de Madrid, elle domine La Moncloa et donne à l’infini sur une campagne sauvage qui s’embrase au soleil couchant. Par la volonté d’une mission dirigée par Bergson en pleine guerre mondiale, elle abrite artistes et chercheurs. J’aime ses colonnes encore marquées par les impacts de la guerre d’Espagne, car elle était sur l’ultime ligne de résistance des forces républicaines. J’aime qu’elle ait été reconstruite dans les années cinquante par une France dont l’Espagne a toujours admiré les arts et les Lumières.
Un grand merci aux mécènes et aux auteurs de ce bel ouvrage qui rend hommage à nos établissements à Madrid au moment où nos relations avec l’Espagne témoignent enfin de ce qu’« il n’y a plus de Pyrénées ».
Jérôme Bonnafont
Ambassadeur de France en Espagne
C’est par le fleuve qu’il faut découvrir la résidence de France et sa façade tournée vers l’eau. Sur le ponton, un salon d’extérieur et deux bonsaïs de frangipaniers accueillent les visiteurs venus par bateau. Arriver par la route est une hérésie malheureusement devenue la règle. La résidence n’offre que ses communs à celui qui la rejoint par la rue Charoen Krung, l’ancienne New Road.
Dès le premier regard, la singularité de cette grande maison interpelle. Est-on au bord d’un lac italien ou sur une plage des Caraï bes ? La résidence de France est un cocon tissé au fil des années autour de la bâtisse originelle, chaque ajout témoignant de l’évolution des goûts architecturaux. Le résultat est à l’image de la ville de Bangkok : éclectique. Les soins apportés à la conservation de la résidence et de ses jardins en font une des demeures les plus charmantes des bords du Chao Phraya.
Historien spécialiste des colonisations en Asie orientale, Jean-François Klein est maître de conférences, habilité à diriger des recherches à l’université de Nantes. Il a aussi enseigné l’histoire contemporaine de l’Asie du Sud-Est aux Langues O’ (INALCO) et a été professeur invité à la New York University (Institute of French Studies). Il est cher-cheur au Centre de recherches en histoire internationale et atlantique (Nantes) et associé au Centre Roland Mousnier (Paris-Sorbonne).
Co-directeur de la collection « Empires » aux Éditions Ven-démiaire, il est l’auteur de nombreuses publications parmi lesquelles Un Lyonnais en Extrême-Orient. Ulysse Pila vice-roi de l’Indo-Chine ; Les Maîtres du comptoir, Desgrand Père et fils. Réseaux du négoce et révolutions commerciales, 1720-1878 ; Atlas des empires coloniaux XIX e-XX e siècles et Pennequin, une « éthique coloniale » française. Penser la pacification, dépasser la colonisation, 1849-1916 (en cours d’édition). Il a, en outre, co-dirigé Les Sociétés coloniales à l’âge des empires. Afrique, Asie, Antilles, 1850-1950 et Les Européens dans les ports en situation coloniale. Conseiller scientifique, il fut également co-responsable du comité de pilotage et du catalogue de l’exposition « Indochine des territoires et des hommes, 1856-1956 » qui s’est tenue au musée de l’Armée en 2013-2014.
Passionné depuis toujours par le continent asiatique, Alexis Thuaux a suivi un double cursus en droit et en langues orientales. Il a appris le chinois et le japonais aux Langues O’ (INALCO) et a ensuite complété ses études aux États-Unis par une maîtrise d’anglais spécialisée en littérature américaine. Après avoir enseigné la langue anglaise à des adultes, il a passé dix années à Paris au sein du plus grand cabinet mondial d’audit et de conseil pour lequel il organisait des conférences internationales en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. En 2011, il s’est installé à Bangkok où il a publié Portraits de Bangkok, un guide de la ville paru en 2014.
Architecte de formation, Sophie Trelcat est journaliste spécialisée en architecture, design et arts contemporains. Elle collabore avec de nombreux magazines parmi lesquels : A.M.C, Le Journal des Arts, Art Press, Les Inrocks, Vogue, d’A… Elle est également commissaire d’exposition —Christian de Portzamparc, Renzo Piano, Dentelles d’architecture ou encore Le stade, miroir de la ville— et auteure de plusieurs ouvrages. Aux Éditions internationales du Patrimoine, elle a co-écrit plusieurs monographies consacrées au patrimoine diplomatique français à l’étranger : Ambassade de France à Berlin (2010), Ambassade de France à Tokyo (2012), Résidence de France à Rabat (2014), Résidences de France à Singapour (2019) et Ambassade de France à New-Delhi (2019).
Depuis la reprise de relations officielles avec le royaume de Siam en 1856, la représentation de la France à Bangkok, initialement con-sulat, puis légation en 1892, enfin ambassade en 1946, n’a jamais quitté les rives de la Maenam Chao Phraya. Deux siècles plus tôt, à une époque où les royaumes de France de Louis XIV et de Siam de Phra Naraï nouaient des contacts diplomatiques, le delta du grand fleuve était déjà le cœur d’enjeux et de rivalités complexes, une région stratégique, carrefour de la péninsule indochinoise, où notre pays tentait de s’implanter durablement. Malgré des débuts tumultueux, qui aboutirent à l’éviction de la France des rives du golfe de Siam, jusque sous le règne de Napoléon III, les échanges franco-siamois furent durablement marqués par une fascination partagée et un sincère désir de coopération, toujours à l’œuvre aujourd’hui.
Amarrée à la berge orientale du « Fleuve des rois », à quelques enca-blures du palais royal et du quartier chinois, à deux pas du collège de l’Assomption et de la cathédrale, si liés à notre présence dans le quartier de Bangrak, la résidence de France, ancienne maison des douanes, est toujours debout. Son architecture parle comme un livre d’histoire. La vieille bâtisse de teck et de briques, fruit d’hybri-dations stylistiques, fut maintes fois modifiée mais ne céda jamais sa place à un bâtiment « moderne », mieux adapté aux besoins de ses hôtes et à une certaine image que la France voulait projeter dans cette partie du monde. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir tenté.
Si elle a subi les vicissitudes du temps, la résidence est aussi mémoire. Symbole de relations anciennes et passionnées, houleuses mais aussi fructueuses, d’une amitié parfois teintée d’incompréhension, elle est un témoignage vivant de cette rencontre amorcée en situation coloniale et poursuivie au delà de la Guerre Froide, dans la capitale d’un pays désormais au cœur d’une région en plein essor, profondément intégrée aux marchés mondiaux, l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est.
La résidence de France est ainsi le parfait écrin d’échanges féconds, le témoin privilégié de l’évolution d’un Siam devenu Thaïlande, n’oblitérant rien mais offrant aux yeux de ses contemplateurs une page d’histoire croisée, celle de nos deux nations.
Aujourd’hui, alors que vient de s’achever sur le même site la construction d’une nouvelle chancellerie, la Vieille dame, dans la dignité de ses bâtis, l’élégance de ses jardins et le respect des âmes qu’elle abrite, conserve encore la trace de ces moments partagés. Espace dynamique et convivial, lieu de vie et de rencontres, la résidence de France est aussi un magnifique outil de travail au service de l’influence de notre pays. Longtemps contestée, elle a gagné ses lettres de noblesse depuis son inscription à l’inventaire des Monuments historiques nationaux de Thaïlande.
Je tiens à remercier tout particulièrement ici les mécènes et les auteurs qui ont contribué à la réalisation de ce splendide ouvrage, qui porte témoignage de la richesse des relations que nous entretenons depuis plus de trois siècles avec le royaume de Thaïlande.
Thierry Viteau
Ambassadeur de France en Thaïlande
On m’avait parlé de son « charme » ; on n’avait rien exagéré.
André Gide, après un dîner à la villa des Oliviers le 26 juin 1943.
Formée en sciences politiques et en histoire de l’art et de l’architecture du XIXe siècle, Marianne Métais est, depuis 2011, chef du secteur du patrimoine du minis-tère des Affaires étrangères, au sein du Bureau du patrimoine et de la décoration. Elle est responsable de la collection d’œuvres d’art et de mobilier des postes diplomatiques et de l’hôtel du ministre des Affaires étrangères. Elle a précédemment travaillé au musée Rodin, à la coordination des expositions, et au service de l’inventaire du Conseil régional de Bourgogne.
Ses travaux ont porté sur les néo-styles, notamment le style néo-Renaissance au château de Sully, en Bourgogne. Elle a participé aux ouvrages sur les résidences de France à Alger (2016) et Washington (2018) parus aux Éditions internationales du Patrimoine.
Franchir le seuil de la résidence des Oliviers, c’est entrer dans l’histoire. L’histoire de France, l’histoire de l’Algérie, l’histoire de la relation franco-algérienne.
Mentionné pour la première fois au tout début du XIX e siècle, cet édifice de la période ottomane, de style arabo-islamique, est de proportions raisonnables. Niché dans un parc aux essences méditerranéennes, il offre une vue panoramique exceptionnelle de la baie d’Alger jusqu’aux montagnes du Djurjura qui dominent la plaine de la Mitidja. Cette belle et agréable demeure privée doit son nom à la famille Olivier qui en fut propriétaire de 1881 à 1906. Elle fut acquise par le gouvernement général de l’Algérie en 1938 et elle accueillit, dès 1940, de hautes personnalités comme le général Weygand, puis le général Juin, commandant en chef des forces armées en Afrique du Nord. Arrivant de Londres, le général de Gaulle s’y installa en mai 1943 et fonda à Alger le Comité français de Libération nationale (CFLN). Depuis cette villa où résonnent encore les pas du général de Gaulle, Alger, capitale de la France libre, joua un rôle majeur dans la libération de la France.
Au lendemain des souffrances de la guerre d’Algérie et de l’indépendance de ce pays, le général de Gaulle obtint du président du Conseil des ministres de la nouvelle République algérienne, démocratique et populaire, Ahmed Ben Bella, que la résidence des Oliviers, à laquelle il était profondément attaché, puisse devenir la résidence de l’ambassadeur de France. Jean-Marcel Jeanneney, ancien ministre et premier ambassadeur à Alger s’y installa dès juillet 1962. Depuis cette date, vingt-et-un ambassadeurs ont contribué à faire vivre ce partenariat égal à nul autre en utilisant cette résidence historique comme espace vivant d’échanges, de négociation, de travail mais aussi comme lieu de réception et de rayonnement.
La résidence des Oliviers connut à plusieurs reprises depuis 1963 des travaux d’extension et d’embellissement. En 2016, les pièces de réception ont été réaménagées avec talent par la division du Patrimoine et de la Décoration du ministère des Affaires étrangères et du Développement international dans un esprit plus contemporain qui fait la part belle aux jeunes créateurs français, dans le respect du style oriental de la maison et des savoir-faire traditionnels.
Cette résidence, par sa charge historique, son architecture originale et sa situation géographique justifiait que l’on y consacrât un livre de prestige, que je vous invite maintenant à découvrir.
Bernard Émié
Ambassadeur, haut représentant de la République française en Algérie
De tous les palais de la capitale danoise, le palais Thott est certainement l’un des plus anciens et des mieux conservés. Propriété de la noblesse danoise pendant plus de deux cent cinquante ans, il a été acquis par l’État français en 1930 pour y installer son ambassade.
Chevalier des Arts et des Lettres, Ulla Kjaer est docteur en philosophie de l’histoire de l’art de l’université de Copenhague, conservatrice et chercheuse senior au musée national du Danemark. Ses domaines de recherche s’étendent à l’histoire culturelle des églises danoises et, surtout, à la culture néo-classique, l'art et l'architecture du XVIIIe siècle.
Auteur de nombreux articles et livres, elle a notamment écrit un ouvrage historique sur le palais Thott, siège de l’ambassade de France au Danemark, ainsi qu’une thèse de doctorat en deux volumes intitulée Nicolas-Henri Jardin - un néo-classique idéologique. Plus récemment, elle a écrit un livre grand public sur le même architecte ainsi que des ouvrages consacrés au bâtiment du musée national de Copenhague et à la cathédrale de Roskilde. Elle a également participé à une publication sur le château de Fredensborg et prépare un livre sur les palais royaux de Nord-Seeland.
Historien de l’art, Jean-Georges Lavit a d’abord exercé plusieurs fonctions au sein du ministère de la Culture à l’inspection des Monuments historiques. Il a ensuite été nommé directeur et conservateur en chef du patrimoine au château de Sceaux avant de rejoindre le ministère des Affaires étrangères où il était chargé de la mission du Patrimoine. Depuis 2005, il est conservateur en chef au commissariat des domaines présidentiels de Rambouillet et Marly le Roy.
Jean-Georges Lavit a assuré le commissariat de plusieurs expositions à l’Orangerie de Sceaux dont «Philippe V» et a participé à de nombreuses publications parmi lesquelles Cinq siècles d’histoires inédites et secrètes au quai d’Orsay et La Paix des Pyrénées et le mariage de Louis XIV.
Il est également vice-président de l’Association des Amateurs de châteaux, membre du jury du prix d’histoire du Cercle de l’Union et membre du Comité de la Sauvegarde de l’Art Français.
Chevalier des palmes académiques et officier de l’Ordre national du mérite, Birte Zeuthen est agrégée en histoire et en français de l’université de Copenhague; ses recherches portaient sur les négociations des traités de paix à Paris après la première guerre mondiale.
Ancienne lectrice au Nørre Gymnasium, adjointe du proviseur au lycée français Prins Henrik de Copenhague et responsable du DFB – le baccalauréat franco-danois –, elle est, depuis septembre 2014, directrice pédagogique au lycée Sankt Petri et coordinatrice du baccalauréat germano-danois. Birte Zeuthen est également consultante pour le ministère de l’Éducation et coordinatrice pour le baccalauréat international à la section danoise au lycée international de Saint-Germain-en-Laye, ainsi que professeur de danois pour les ambassadeurs et le personnel diplomatique.
Parallèlement, elle est guide au palais Thott et a collaboré à l’exposition «Le palais Thott au centre des relations diplomatiques franco-danoises». Elle a longtemps participé à la revue Tempo, éditée par l’Institut français, et prépare actuellement un ouvrage consacré au séjour du comte de Plélo au palais Thott en tant qu’ambassadeur de France de 1729 à 1734.
Exercer le métier de diplomate dans un lieu aussi élégant et chargé d’histoire que le palais Thott est un exigeant privilège. De très grands ambassadeurs, dont certains furent des figures éminentes de la littérature comme Paul Claudel ou François-Régis Bastide, des personnages héroïques et romanesques comme le comte de Plélo ou, plus récemment, Léon Bouvier, ou des grands noms comme Colbert ou d’Ormesson, ont placé au plus haut cette exigence.
Ce palais est, pour tous ceux qui y travaillent et le font vivre, un outil exceptionnel au service du rayonnement de la France. C’est une chance, donc, mais tout autant un défi. Un défi parce qu’en quatre siècles les missions d’une ambassade ont changé. Hier, canal obligé de toutes les relations diplomatiques, aujourd’hui, alors que les ministres se rencontrent chaque mois à Bruxelles et s’appellent quotidiennement c’est une autre dimension de notre action qui domine : celle de la promotion de la marque France, de ses valeurs et de ses talents.
Bref, dans ce monde globalisé où les pays, même amis, sont en concurrence,
la diplomatie économique et d’influence est plus que jamais nécessaire à assurer à la France la place qu’elle entend occuper dans le monde. Si le palais est au cœur géographique de Copenhague, il est de notre mission de placer la France au cœur de la vie sociale, culturelle et économique danoise. Pour l’ambassadeur, ce privilège constitue également un défi parce qu’il serait tentant, en ces lieux qui ont la vertu d’arrêter la course effrénée du temps, de nourrir le préjugé d’une France nostalgique: la France n’est pas un musée.
À nous, donc, de faire de ces lieux un usage peu conventionnel, quitte à surprendre ou dérouter. Car après tout, la France n’est-elle pas également une idée, une façon singulière de questionner le monde?
François Zimeray
Ambassadeur de France au Danemark
Le 22 octobre 1773, Louis-Philippe-Joseph de Bourbon, duc de Chartes, futur duc d’Orléans, élu Grand Maître de la Grande Loge de France le 24 juin 1771, confirmé les 8 et 9 mars 1773, est solennellement installé Grand Maître du Grand Orient de France par une assemblée réunissant pour la première fois en une telle occasion des Maîtres de loge de Paris et de province, ou leurs représentants.
Jean-Claude Allard, Pascal Bajou, Matthieu Baudin, Armelle Bossière, Charles Bonaparte, Éric Burst, André Combes, Jean-Claude Couturier, Thierry Cuzin, Roger Dachez, Jean-Michel Davoise, Paul Dedieu, Claude J. Delbos, Joël Denis, Serge Dubreuil, Martine Garnier, Dominique Goussot, Yves Hivert-Messeca, Aimé Imbert, Alain De Keghel, Daniel Kerjan, Marc Labouret, Jean-Luc Le Bras, David Le Dû, Denis Lefebvre, René Le Moal, Elisabeth Liris, Irène Mainguy, Ludovic Marcos, Pierre Mollier, Jean-Claude Momal, Dominique Morillon, Roger N’Gbama, Pierre Petit Jean, Éric Saunier, Franck Storne, Samuël Tomei, Gérard Viallet et Jean-Pierre Zimmer.
Le Grand Orient de France :
250 ans d’engagement humaniste, initiatique et fraternel
Vecteur des Lumières au XVIII e siècle, soutien des idées nouvelles au XIX e, le Grand Orient de France a joué un rôle souvent important dans l’histoire de notre pays. Aujourd’hui encore, ses loges sont un lieu d’échanges et de réflexions sur les enjeux de notre temps. Accueillant des sensibilités philosophiques et politiques diverses, le Grand Orient de France fait se rencontrer et travailler ensemble hommes et femmes de bonne volonté. La lumière maçonnique vise d’abord à faire de nous des individus plus éclairés sur les défis du monde dans lequel nous vivons. Mais dans une époque en perte de repères, le discernement doit s’appuyer sur un solide équilibre intérieur. C’est pourquoi la dimension initiatique et spirituelle de la franc-maçonnerie est inséparable de ses engagements dans la société.
Les institutions, comme les hommes, éprouvent le besoin de se retourner sur les grandes étapes de leur existence. Cette introspection peut susciter une réjouissance légitime autour de la pérennité d’une vie ou d’un projet. Mais elle offre aussi l’opportu-nité de réfléchir sur le chemin parcouru. Peut-être plus qu’ailleurs encore, les liens entre histoire et identité sont-ils particulièrement forts en franc-maçonnerie. Institution humaniste, initiatique et fraternelle, le Grand Orient de France se veut à la fois ouvert sur le monde et enraciné dans une tradition. Connaître l’histoire de l’Ordre est, pour le franc-maçon, un moyen de faire sienne cette expérience collective séculaire. L’histoire a forgé une partie de notre identité, mieux la connaître, c’est donc mieux comprendre le Grand Orient de France d’aujourd’hui. Loin d’être une simple question d’érudition, c’est donc un devoir pour les francs-maçons de s’y intéresser.
C’est dans des conditions remarquables que le lecteur, maçon ou non, va pouvoir découvrir les deux siècles et demi de cette si riche histoire. Au premier coup d’œil, il appréciera la qualité d’une iconographie exceptionnelle qui met en valeur les plus belles pièces du musée de la franc-maçonnerie, de nos archives et de notre bibliothèque. Le choix qui a été fait est de présenter l’histoire du Grand Orient de France, non de façon cursive, mais, pour la rendre plus vivante, par une suite de synthèses sur les périodes clefs, les grandes personnalités ou les différents aspects de la vie de l’obédience. Pour cela, nous avons fait appel aux spécialistes reconnus des diverses branches de la recherche maçonnique. Ce livre apparaît donc d’emblée comme un ouvrage de référence qui fera date.
Ce bel objet est aussi un bel outil. Un outil pour mieux connaître le Grand Orient de France, mieux le comprendre et, pour ses membres, mieux le servir.
Daniel Keller
Grand Maître du Grand Orient de France
« C’est un grand palais qui se rit de ceux qui se moquent de lui : colossal, imposant, magnifique, décoré d’une noble place et de fontaines avec des vasques de granit : en somme, c’est une des merveilles de Rome qui tire de sa forme carrée son surnom de ‘Dé aux Farnèse’ ».
Giuseppe Antonio Guattani, Roma descritta ed illustrata, 1805.
Agrégé d’histoire, ancien membre de l’École française de Rome et maître de conférences en histoire à l’université de Rouen, Jean-Yves Frétigné est spécialiste de la pensée politique des XIX e et XX e siècles en France et en Italie. Directeur d’ouvrages et de numéros spéciaux de revues, il est l’auteur d’une centaine d’articles et de plusieurs monographies parmi lesquelles une biographie de Giuseppe Mazzini, une autre de Louis-Philippe ainsi qu’une Histoire de la Sicile des origines à nos jours.
Diplômée en lettres et en histoire de l’art de l’université de Rome, Carolina Vincenti a participé à la production et à l’organisation de nombreuses expositions, notamment les rétrospectives consacrées à Botticelli (2003), Véronèse (2004), Titien, (2006) et Arcimboldo (2007) au musée du Luxembourg à Paris. Elle organise également des visites privées de Rome et est l’auteur de plusieurs publications parmi lesquelles Palais de Rome (1997) ou Rome Secrète (2001).
En 1874, Rome, ville éternelle, était depuis peu la capitale d’un État beaucoup plus jeune qu’elle. C’est à cette date qu’Emmanuel de Noailles, nommé ambassadeur de France en Italie, s’installa au palais Farnèse devenu ainsi le siège de l’ambassade, et qui accueillera également l’École française de Rome. Noailles n’était cependant pas le premier Français à en avoir goûté la beauté, le palais ayant déjà, plus tôt dans l’Histoire, logé nombre d’ambassadeurs du roi de France auprès du souverain pontife. Les envoyés d’Henri II, de Louis XIII, de Louis XIV, eurent ainsi l’honneur de travailler, entre deux courbes du Tibre, dans ce joyau emblématique de la Renaissance et dont Stendhal louera après eux la « majesté farouche ». Depuis plus de 140 ans, la République française y a sa représentation en Italie.
Né du génie d’artistes glorieux, né également des rêves de magni-ficence de celui qui deviendrait Paul III, Alessandro Farnèse, ce palais est ainsi lié à l’histoire de la France, ou plutôt : l’histoire de la France lui est liée. Lui rendre hommage, et par là exprimer notre reconnaissance envers l’Italie, est l’intention de cet ouvrage.
Le palais Farnèse appartient à l’Italie et il occupe une place de choix dans le cœur des Italiens. De même, l’hôtel de La Rochefoucauld-Doudeauville, qui abrite l’ambassade d’Italie à Paris, appartient à la France : c’est en vertu de la réciprocité de baux emphytéotiques que nos deux pays bénéficient de demeures historiques pour leurs représentations diplomatiques.
La plus belle des ambassades sises à Rome ? On le dit, mais quoi qu’il en soit je reste certaine, à l’instar de mes prédécesseurs, qu’avoir la responsabilité de protéger et de faire vivre ce patrimoine exceptionnel est un honneur — et j’ai eu celui de mener à son terme en 2015 la magnifique restauration de la célèbre Galerie des Carrache.
Quatre siècles après la réalisation des fresques lumineuses de la galerie par les frères Carrache, cinq siècles après la reconstruction du palais acquis par Alessandro Farnese, nous voici encore éblouis devant cet édifice, raffiné et imposant à la fois — expression de l’idéal de la Renaissance. Sangallo, puis l’immense Michel-Ange, Giacomo della Porta et Vignola ont élevé le Farnèse, ils sont la preuve, s’il en était besoin, que les architectes sont des artistes majeurs. Daniele da Volterra, les frères Zuccari, les frères Carrache déjà nommés, Salviati, le Dominiquin… on pourrait continuer la liste des artistes qui ont contribué à faire du Farnèse celui que l’on connaît encore aujourd’hui. Aussi nombreux et divers furent-ils, ces architectes et peintres œuvrant à la construction et à l’aménagement du palais au long des années lui ont donné son style et sa cohérence reconnus par-delà les époques. « Il semble jeté au moule, tant il est uni ; c’est un dé », écrivait Montesquieu.
De la Renaissance au Risorgimento, du Risorgimento à aujourd’hui et pour longtemps encore : le Farnèse symbolise l’esprit de fraternité qui unit les deux peuples italien et français.
Au-delà de la magnificence architecturale qui le caractérise, il incarne en effet le lien entre deux pays, la France et l’Italie, qui entretiennent depuis si longtemps des relations d’amitié riches, construites sur des liens anciens. Liens tissés par l’histoire tant il est vrai qu’au fil des siècles, nos peuples et nos cultures se sont bien souvent définis et construits l’un par rapport à l’autre, l’un à travers l’autre. Liens profonds, car les deux pays sont l’un comme l’autre héritiers de la civilisation latine, et la passion italienne en France comme la passion française en Italie ont profondément influencé nos modes de vie et de pensée.
C’est pour honorer et sans cesse renforcer ces liens qu’il est de notre devoir d’animer le palais et de lui donner vie. C’est par exemple dans cet esprit qu’a été conçue hier l’exposition « Palais Farnèse : de la Renaissance à l’Ambassade de France » en 2010- 2011 qui marqua le public italien avec le retour momentané des collections de la famille Farnèse en leur palais. C’est cette même logique qui a été adoptée pour Design@Farnèse, organisé durant tout l’été 2016, permettant aux designers français contemporains de montrer l’expression de leur créativité, et faisant par là même du palais un symbole d’un mariage réussi entre le patrimoine et la création. Il est aussi ouvert aux visites neuf fois par semaine. Le palais Farnèse, lieu historique d’exception, est un lieu vivant.
Il est enfin et surtout pour notre pays un outil de travail à nul autre pareil, qui lui permet d’être au centre de la vie politique, économique, diplomatique et culturelle à Rome et dans toute l’Italie. Il contribue ainsi au rayonnement de la France et au développement de relations bilatérales denses au service d’une Europe en paix et solidaire.
Ce beau livre est une première découverte du monument qui nous a été confié ; dans l’espoir que ses lecteurs feront le pas de venir le visiter et avec la certitude qu’ils en deviendront, s’ils ne le sont pas déjà, ses admirateurs voire ses amoureux.
Archiviste-paléographe, conservateur général du patrimoine, Monique Constant a fait toute sa carrière à la direction des archives du ministère des Affaires étrangères. Chef du département historique de 1990 à 1999, directrice-adjointe de 1999 à 2012, elle a consacré de nombreux travaux à l’histoire des relations internationales aux XIXe et XXe siècles. Elle a reçu les insignes d’officier de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du Mérite.
Professeur émérite d’histoire contemporaine, Jean-Marc Berlière est le pionnier d’une histoire de la police longtemps délaissée par les historiens qui avaient tendance à n’y voir qu’un objet « sale » dédié à la « répression ». Après l’institution et la société policières sous la III e République, il a étendu ses recherches à la seconde guerre mondiale et à la guerre d’Algérie, au fur et à mesure de l’ouverture des archives. Chercheur au CESDIP (CNRS / ministère de la Justice), il a écrit de très nombreux ouvrages et articles. Le dernier en date Camarade la lutte continue ! concerne les résistants juifs communistes reconvertis après-guerre dans les réseaux d’espionnage au service de l’URSS.
Ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud, agrégé de l’université et docteur ès lettres, Jean-Noël Luc est professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Sorbonne. Spécialiste d’histoire sociale et culturelle de la France, il dirige deux chantiers, l’un sur l’histoire de la jeunesse et de l’éducation, l’autre, depuis 2000, sur l’histoire de la gendarmerie et des autres forces de sécurité. En considérant les gendarmes comme un objet d’étude à part entière, ce second chantier a produit plus de 150 travaux universitaires et fourni les matériaux d’une trentaine d’ouvrages et de 9 colloques.
Conservateur-adjoint et responsable de l’activité cinématographique au musée de l’Armée (hôtel national des Invalides) depuis 1995, Emmanuel Ranvoisy a participé à l’organisation de nombreuses expositions thématiques.
Officier de réserve à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, il est en charge depuis 2005 du musée et responsable aujourd’hui de la Section conservation du patrimoine, mémoire et tradition. Il est membre depuis 2011 de la Commission histoire, musées et musique de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France.
Auteur de nombreux articles sur l’histoire des sapeurs-pompiers, il a notamment écrit un ouvrage sur Le Régiment de sapeurs-pompiers de Paris, 1938-1944 (2009). Il est par ailleurs co-auteur de La Fabuleuse histoire des pompiers (2002) ; Sapeurs-pompiers de Paris, la fabuleuse histoire d’une brigade (2011).
Historien, spécialiste de l’époque napoléonienne, Jean Tulard est agrégé d’histoire et docteur ès lettres. Directeur d’études à l’École pratique des hautes études en 1965, il est nommé, en 1981, professeur à l’université de Paris-Sorbonne et à l’Institut d’études politiques de Paris. Président honoraire de l’Institut Napoléon, il est également membre de l’Académie des Sciences morales et politiques. Il est officier de la Légion d’honneur, officier de l’Ordre national du Mérite, commandeur des Arts et des Lettres, et chevalier des Palmes académiques.
Auteur d’un nombre considérable d’études, Jean Tulard a reçu plusieurs récompenses, parmi lesquelles le Prix Gobert de l’Académie française (1971), le Grand Prix national de l’histoire (1977) et le Prix du Mémorial (1981) pour l’ensemble de son œuvre.
S’il m’est échu l’honneur de préfacer ce magnifique ouvrage consacré à l’hôtel Beauvau, ses fastes et ses activités, c’est sans doute pour qu’il soit dit s’il est, et dans quel sens, un « lieu de mémoire ».
Il l’est, éminemment. Mais en première approximation, la Place Beauvau, c’est-à-dire par métonymie le ministère de l’Intérieur, n’a pas bonne presse dans la mémoire collective des Français. Ses missions ont beau ne recouvrir que des tâches protectrices de la population — la sécurité intérieure, la garantie des libertés publiques, à commencer par le suffrage universel, l’administration territoriale, la prévention de la délinquance, le droit d’asile —, les images qui lui sont attachées relèvent plutôt de la coercition centralisatrice, des préfets à poigne, de la police, de la répression et de la censure. Les périodes politiques avec lesquelles s’identifie le plus étroitement le ministère de l’Intérieur sont les pires de l’histoire nationale : la Terreur avec Fouché (qui fut, en titre, ministre de la Police), le plein Empire autoritaire avec Morny et Persigny, le premier à s’installer dans l’hôtel Beauvau en 1861 ; ou encore Vichy, même si Darlan, Pucheu, Laval résidaient en « zone libre ». En fait de « lieu », la place Beauvau, associée par proximité avec la rue des Saussaies et ses sinistres cellules, serait plutôt de triste mémoire.
Si l’on regarde cependant le ministère de l’Intérieur d’un œil plus historien, tout change. Et l’hôtel Beauvau devient l’incarnation de la permanence de l’État. Ce qu’il représente plonge ses racines au plus profond de l’Ancien Régime. Il illustre la continuité de l’État-nation, il est le symbole de la tradition historique de la France, le cœur battant de la nation.
Dans un entretien accordé au Débat il y a plus d’un quart de siècle, mais qui n’a pas vieilli, « La France vue de l’Intérieur » (n° 61, septembre-octobre 1990), Pierre Joxe, son occupant d’alors, avait une excellente formule pour le définir : « C’est le ministère de ce qui reste ». L’expression peut désigner jusqu’à sa vie quotidienne, puisque c’est le seul ministère qui reste ouvert quand tout est fermé ; une dimension de permanence qui se projette dans tous les départements, à travers cette institution typiquement française depuis Bonaparte qu’est l’institution préfectorale. Mais l’expression s’applique à toute l’histoire de ce ministère très particulier ; et cela, pour deux raisons.
D’abord parce que ses domaines de compétences se sont constitués par soustraction. Ils sont faits de tout ce qui n’appartient pas aux quatre autres fonctions de souveraineté, la Guerre et les Affaires Étrangères, qui datent de Henri III à la fin du XVI e siècle, les Finances, des débuts du règne de Louis XIV, 1661, et la Justice, formellement instituée par l’Assemblée Constituante, en 1790.
Ensuite parce que le mouvement de différenciation n’a pas arrêté de se poursuivre depuis le XIX e siècle. La plupart des ministères spécialisés sont nés, en effet, par scissiparité, du ministère de l’Intérieur : ainsi de l’Instruction publique en 1828, du Commerce en 1831, des Travaux publics en 1839, de l’Agriculture en 1881, du Travail en 1906, des Affaires sociales en 1920. Et ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que se sont plus ou moins stabilisées les attributions du ministère de l’Intérieur.
Il est enfin le ministère des affaires dont personne ne veut ou, plutôt, qui concernent tout le monde. Autrement dit, l’État de droit non spécialisé. C’est ainsi que la Place Beauvau gère les problèmes aujourd’hui devenus si sensibles de l’immigration ; de même que celui des cultes, problème que l’on croyait progressivement apaisé depuis la séparation des Églises et de l’État, en 1905, mais auquel la montée en puissance de l’Islam et les difficultés d’insertion du culte musulman ont donné une nouvelle intensité.
Le ministère de l’Intérieur, à travers ses attributions si longtemps mouvantes, est, de tous les ministères régaliens, celui qui s’identifie le plus étroitement à l’État, pour le meilleur comme pour le pire. C’est pourquoi son attribution la plus stable est celle de l’Utilité publique, celle du Bien commun. Et c’est aussi pourquoi, pour reprendre cette fois une formule de l’actuel occupant des lieux, Bernard Cazeneuve, on préfère dans ce poste, plus encore que toute autre fonction politique, « un homme qui croit pouvoir être utile à un homme qui se croit indispensable ».
Pierre Nora de l'Académie françaiseIl n’y a aucune raison pour que la procédure dont je suis le témoin attristé depuis mon arrivée aux États-Unis ne se renouvelle pas indéfiniment. Je considère le projet de construction de la nouvelle ambassade comme mort ou du moins enterré [...]. Il est triste de penser que M. Rockfeller a restauré Versailles, Reims et Fontainebleau et que nous ne trouvons pas nous-même en état d’assurer une résidence stable au représentant de la France dans le pays de Washington.
L’ambassadeur Paul Claudel à son ministre de tutelle Aristide Briand, 1930.
Formée en sciences politiques et en histoire de l’art et de l’architecture du XIXe siècle, Marianne Métais est, depuis 2011, chef du secteur du patrimoine du minis-tère des Affaires étrangères, au sein du Bureau du patrimoine et de la décoration. Elle est responsable de la collection d’œuvres d’art et de mobilier des postes diplomatiques et de l’hôtel du ministre des Affaires étrangères. Elle a précédemment travaillé au musée Rodin, à la coordination des expositions, et au service de l’inventaire du Conseil régional de Bourgogne.
Ses travaux ont porté sur les néo-styles, notamment le style néo-Renaissance au château de Sully, en Bourgogne. Elle a participé aux ouvrages sur les résidences de France à Alger (2016) et Washington (2018) parus aux Éditions internationales du Patrimoine.
En cours de réactualisation
Depuis plus de trois quarts de siècle, le drapeau tricolore orne la façade du 2221 Kalorama Road. Sise dans un écrin de verdure, au cœur du prestigieux quartier de Kalorama, la résidence de France est unanimement reconnue comme l’une des plus belles demeures de Washington mais également comme l’un des joyaux du réseau diplomatique français.
Au moment de son acquisition par la France en 1936, le style néo-Tudor de la demeure ne laissa pas indifférent, nombreux étant ceux qui auraient souhaité une résidence de « pur style français » qui aurait pu, pour reprendre les mots de Victor Hugo, « inspirer l’amour de l’architecture nationale ». Si la résidence rappelle le plan d’un manoir anglais, elle est pourtant bien l’œuvre d’un architecte d’origine française, Jules-Henri de Sibour (1872-1938). Chaque ambassadeur a ensuite apporté sa touche personnelle à un aménagement intérieur qui marie aujourd’hui élégance à la française et création contemporaine.
Lieu d’accueil et de convivialité, vitrine de la culture et de l’art de vivre de notre pays, la résidence de France symbolise la profonde amitié unissant la France et les États-Unis. Au cœur des temps forts de notre relation bilatérale, c’est dans ce décor que tous les présidents de la Cinquième République accueillirent ensuite leurs homologues américains. Entièrement rénové en 2015, le 2221 Kalorama Road ouvre grand ses portes à tous les amis américains de la France.
Réalisé grâce aux Éditions Internationales du Patrimoine, l’ouvrage remarquable que vous avez entre les mains dévoile les trésors de ce lieu chargé d’histoire et témoigne à sa manière de la force des relations franco-américaines.
Gérard Araud
Ambassadeur de France aux États-Unis
Le baron de Besenval fut un de ces hommes à qui tout réussit [...]
J.-B. Després, secrétaire du baron de Besenval.
Archiviste-paléographe (promotion 1962), conservateur de musée, il a dirigé le musée national du château de Fontainebleau de 1970 à 1994, avant de devenir administrateur général du Mobilier national, des manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie (1994-2003).
Ses principaux travaux scientifiques ont porté sur l'ébéniste André-Charles Boulle, l'histoire et les collections du château de Fontainebleau, l'époque napoléonienne, en relation avec le musée Napoléon Ier qu'il a crée dans une des ailes de ce château, et les arts décoratifs du début du XIXe siècle (mobilier Consulat-Empire).
Depuis 1938, il y a donc 80 ans, l’ambassade de Suisse à Paris se trouve à l’hôtel de Besenval, au 142 rue de Grenelle.
Voici enfin racontée et documentée l’histoire de cet admirable hôtel particulier.
La Confédération suisse, qui en est propriétaire, attache à cette maison, à la fois chancellerie et résidence de l’ambassadeur —j’en suis avec bonheur le 14e hôte de passage—, une importance toute particulière.
Son emplacement, l’histoire de sa construction en 1704, son achat par le baron de Besenval en 1767, les divers locataires qui s’y succèdent, comme la famille de Napoléon III venue de Rome ou les financiers américains au début du XXe siècle, tout est passionnant et se devait d’être conté. C’est chose faite : grâce aux recherches fouillées et précises de Jean-Pierre Samoyault, grâce à de nouvelles photographies et des sources inédites, le bel ouvrage que vous tenez entre les mains va vous faire découvrir l’originalité de la construction, la richesse de l’ameublement au fil des siècles, les embellissements apportés par les propriétaires successifs. La période du baron de Besenval est particulièrement significative : ce fils de vieille famille de Soleure —la ville des Ambassadeurs— au service de deux rois de France, aime les beaux-arts et l’ornement. Il collectionnera avec passion et innovera dans la décoration : le nymphée construit au sous-sol témoigne de la splendeur de l’hôtel à son époque.
Il est heureux que la Confédération suisse ait pu se porter acquéreur de l’hôtel en 1938. La mémoire de son ancien propriétaire, commandant des Gardes-Suisses et confident de la reine Marie-Antoinette, contribue au rayonnement de la présence suisse à Paris et au renforcement des relations bilatérales entre la Suisse et la France. Cette relation trouve son illustration dans le grand salon, avec la splendide tapisserie des Gobelins qui documente le renouvellement de l’alliance entre le roi de France Louis XIV et les représentants des Cantons suisses à Notre-Dame de Paris en 1663. Cette alliance avait été signée 147 ans plus tôt entre François I er et les Cantons suisses, le 29 novembre 1516 à Fribourg, après le choc de Marignan.
Ce sont donc plus de 500 ans de paix perpétuelle qui nourrissent l’essor actuel de la relation entre la Suisse et la France.
Bernardino Regazzoni
Ambassadeur de Suisse en France et à Monaco
Entrer à l’ambassade de France à Séoul, c’est entrer dans un monde différent, quitter les avenues trépidantes, l’asphalte omniprésent, accéder à un « jardin secret », au cœur d’une mégapole de plus de vingt millions d’habitants qui aspire près de la moitié de la population du pays, une métropole où le moindre espace de terrain est bâti, utilisé, où les parcs sont rares, une métropole où les gratte-ciel ont définitivement envahi le centre de la ville, autrefois fortifiée, débordant largement par-delà les remparts de la cité Joseon qui fut la capitale de toute la péninsule pendant près de six siècles, sous le nom de Hanyang (1392-1910).
Historien spécialiste de la Corée coloniale, il est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, directeur de l’Institut d’études coréennes du Collège de France. Auteur de nombreuses publications, ses travaux portent sur l’histoire moderne de la ville de Séoul (XVIIe -XXIe), l’historiographie du monde coréen aux XIXe et XXe siècles et l’histoire sociale et culturelle de la Corée coloniale (1910-1945).
Critique, historien et professeur d’architecture à l’université Hanyang, il est l’auteur de Architecture and Urbanism in Modern Korea (2013), un ouvrage de référence sur la modernisation architecturale et urbaine en Corée. Il est le spécialiste de l’architecte Kim Chung-Up et de son œuvre.
Historien d’art spécialiste de la Corée, diplômé de la Sorbonne et de l’École du Louvre, il est responsable de la collection d’art coréen du musée Guimet. De 1988 à 1992, il fut attaché culturel auprès de l’ambassade de France à Séoul. De retour en France, il fut chargé de créer un département des antiquités coréennes au musée Guimet. Il est l’auteur de nombreuses publications parmi lesquelles L’Art de la Corée (2015).
L’histoire de la résidence de France à Séoul et, plus largement, de l’ambassade de France en Corée est liée de manière intime à celle des relations entre la France et la Corée depuis leurs origines.
Comme le rappellent les archives du ministère des Affaires étrangères, les premiers diplomates français en poste à Séoul à la fin du XIXe siècle, à commencer par Victor Collin de Plancy, avaient veillé avec un soin jaloux au choix de l’emplacement et à la construction du bâtiment de la légation de France. À Jeong-Dong, au cœur du Séoul vibrant, au contact de la population et des milieux intellectuels et d’affaires, à proximité du palais royal et des ministères, l’ambassade se voulait un lieu ouvert aux échanges et au développement de la coopération entre nos deux pays.
Après les affres de la première moitié du XXe siècle, alors que le pays se relevait des ravages laissés par la guerre de Corée, les autorités françaises décidèrent de réaffirmer cette alliance entre la France et la Corée en édifiant une nouvelle ambassade. Sous l’impulsion de l’ambassadeur Roger Chambard, un nouveau campus diplomatique fut construit au début des années 1960 sur le site de Hap-Dong, par l’architecte coréen Kim Chung-up, disciple de Le Corbusier pour lequel il avait travaillé pendant trois ans à Paris.
L’élégant vaisseau de béton conçu par Kim Chung-up marquait la volonté des autorités françaises de projeter dans la modernité la relation franco-coréenne, sans rien oublier des traditions culturelles de nos deux pays. L’ambassade de France en Corée est aujourd’hui considérée comme le chef d’œuvre de Kim Chung-up et l’une des plus importantes constructions architecturales de la période moderne en Corée.
En ce début de XXIe siècle, le partenariat entre la France et la Corée ne cesse de se renforcer et couvre désormais tous les domaines, politique, économique, culturel, universitaire, scientifique et touristique. Jamais en particulier autant de jeunes Français n’ont étudié en Corée ni de jeunes Coréens découvert la France.
Comme le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, l’a annoncé le 11 février 2018 à la résidence de France à Séoul, afin de permettre à la relation bilatérale de se déployer pleinement, il devenait donc nécessaire de moderniser de nouveau notre outil diplomatique en Corée. Ce projet ambitieux de rénovation d’agrandissement de l’ambassade de France a été confié aux équipes franco-coréennes d’architectes des cabinets Sathy et Mass Studies.
Une ambassade ne peut se développer sans le plein soutien du pays et de ses habitants qui l’accueillent. Ce beau livre est le fruit d’importantes recherches historiques, artistiques et architecturales mais il est aussi et d’abord un vibrant hommage rendu aux Coréens et aux Coréennes qui ont fréquenté et accompagné la vie de cette ambassade.
Je tiens à saluer chaleureusement le travail réalisé par les Éditions internationales du Patrimoine et leur équipe éditoriale. Je remercie également l’ensemble des mécènes, sans qui cet ouvrage n’aurait pu voir le jour.
Je souhaite aux lecteurs français et coréens le plus grand plaisir à découvrir, à travers l’histoire de la résidence de France à Séoul, cette alliance ancienne et toujours renouvelée entre nos deux pays, en faisant le pari qu’ils auront envie à leur tour de prendre part à l’aventure.
Fabien Penone
Ambassadeur de France en Corée du Sud
C’est en partageant votre joie et votre fierté que je proclame solennellement le Grand-Liban et qu’au nom du gouvernement de la République française, je le salue dans sa grandeur et dans sa fortune, du Nahr el-Kebir aux portes de la Palestine et aux crêtes de l’Anti-Liban.
Général Gouraud, 1er septembre 1920, Résidence des Pins.
Formée en sciences politiques et en histoire de l’art et de l’architecture du XIXe siècle, Marianne Métais est, depuis 2011, chef du secteur du patrimoine du minis-tère des Affaires étrangères, au sein du Bureau du patrimoine et de la décoration. Elle est responsable de la collection d’œuvres d’art et de mobilier des postes diplomatiques et de l’hôtel du ministre des Affaires étrangères. Elle a précédemment travaillé au musée Rodin, à la coordination des expositions, et au service de l’inventaire du Conseil régional de Bourgogne.
Ses travaux ont porté sur les néo-styles, notamment le style néo-Renaissance au château de Sully, en Bourgogne. Elle a participé aux ouvrages sur les résidences de France à Alger (2016) et Washington (2018) parus aux Éditions internationales du Patrimoine.
Pierre Fournié, chartiste de formation, est actuellement chef du département de l’action culturelle et éducative aux Archives nationales. De 2005 à 2009, il a travaillé au ministère de la Culture, comme chef du département des publics à la direction des Archives de France. Il a été précédemment en poste aux Archives du ministère des Affaires étrangères où il était, entre autres, responsable des collections photographiques.
Auteur de plusieurs articles sur le Moyen-Orient contemporain, il a publié en tant que co-auteur : La France et le Proche-Orient. Une chronique photographique de la présence française en Syrie et au Liban, en Palestine, au Hedjaz et en Cilicie, 1916-1946 (1996) ; Beyrouth, la Résidence des Pins (1999) ; Le Paris Arabe. Deux siècles de présence des orientaux et des maghrébins, 1830-2003 (2003).
En tant que commissaire scientifique d’expositions, il a dirigé la publication de plusieurs ouvrages dont Regards sur le monde, trésors photographiques du Quai d’Orsay, 1860-1914 (2000) ; Fichés ? Photographie et identification du Second Empire aux années soixante (2011) ; Présumées coupables, les grands procès faits aux femmes (2016).
Nombreux sont les visiteurs que j’accueille sur le perron de la Résidence des Pins et qui partagent avec moi l’émotion ressentie pendant la montée des marches. Cette confession, si elle ne cesse de me toucher, ne me surprend plus guère, car le charme de ces pierres —leur couleur, leur patine, leur toucher— opère de manière invariable.
Ce charme, j’y suis, moi aussi, toujours autant sensible, alors même que mes fonctions me donnent le privilège de travailler, mais aussi de vivre, dans ce magnifique édifice. Cela, je crois, vient de ce que, à la Résidence des Pins plus qu’ailleurs, « les pierres parlent à ceux qui savent les entendre », selon les mots d’Anatole France (Pierre Nozière, 1899).
Et de quoi, au juste, parlent les pierres de la Résidence des Pins ?
Elles parlent des derniers feux de l’Empire ottoman, de la vision d’un bâtisseur, qui sut choisir les plus beaux matériaux du Levant —roche jaune, marbre rouge et bois de cèdre— pour donner corps à son rêve de pierre, sous les frondaisons des pins. Elles parlent des soubresauts du premier conflit mondial, du mandat français et de la proclamation du Liban contemporain depuis le péristyle d’un cercle de jeu devenu tout à la fois résidence de France et maison de tous les Libanais. Elles parlent des drames de l’interminable guerre civile libanaise et des dommages infligés par le feu des obus et la violence des milices.Elles parlent de la renaissance —du redressement du pays comme de la reconstruction du bâtiment—, dans une communauté de destins une nouvelle fois indissociables. Elles parlent, enfin, des grands hommes qui ont séjourné en ces lieux, pour un temps plus ou moins long, du général Gouraud à plusieurs présidents de la Ve le général de Gaulle, le comte de Chayla, premier ambassadeur de France auprès du Liban indépendant, ou l’ambassadeur Louis Delamare, qui y a perdu la vie.
En somme, de ces pierres, on peut dire, toujours comme Anatole France, qu’« elles gardent des secrets terribles » et qu’« elles en savent long sur la vie et la mort ». À ces pierres qui en savent tant et qui recèlent encore tant de mystères, les auteurs de ce magnifique ouvrage ont tendu une oreille attentive, aimante presque. Ils ont mobilisé les meilleurs connaisseurs de l’histoire franco-libanaise et de la Résidence des Pins, dans des domaines aussi variés que la littérature —l’ouvrage comprenant un hors-texte ciselé et foisonnant du grand écrivain Salah Stétié—, l’histoire de l’art et de l’architecture et les archives diplomatiques.
Le travail croisé de ces experts a permis d’aboutir à ce superbe livre qui restera pour longtemps une référence. Je me réjouis que ce projet ait pu voir le jour, grâce au soutien de mécènes, avant que nous ne célébrions, en 2020, le centième anniversaire de la proclamation du Liban contemporain, auquel il apportera, j’en suis sûr, une contribution importante, en témoignant notamment de la présence continue de la France aux côtés du Liban et de la richesse de l’amitié franco-libanaise.
Je souhaite à chacune et à chacun une excellente lecture.
Bruno Foucher
Ambassadeur de France au Liban
Votre pays est merveilleux et je suis presque confus d’avoir bénéficié de tant de gentillesse. Je ne l’oublierai jamais. Réellement, la façon dont j’ai été reçu à Singapour est allée droit à mon cœur. (…)
Ici règne une réelle atmosphère de satisfaction partagée par toutes les races. Vous n’avez pas de mendiants dans la ville. J’ai même demandé (…) quand viendra le temps où, de par les rues, les gens de Singapour dépenseront leur argent sans compter.
Georges Clemenceau, 20 octobre 1920, Singapour.
Architecte de formation, Sophie Trelcat est journaliste spécialisée en architecture, design et arts contemporains. Elle collabore avec de nombreux magazines parmi lesquels : A.M.C, Le Journal des Arts, Art Press, Les Inrocks, Vogue, d’A… Elle est également commissaire d’exposition —Christian de Portzamparc, Renzo Piano, Dentelles d’architecture ou encore Le stade, miroir de la ville— et auteure de plusieurs ouvrages. Aux Éditions internationales du Patrimoine, elle a co-écrit plusieurs monographies consacrées au patrimoine diplomatique français à l’étranger : Ambassade de France à Berlin (2010), Ambassade de France à Tokyo (2012), Résidence de France à Rabat (2014), Résidences de France à Singapour (2019) et Ambassade de France à New-Delhi (2019).
Fils d’architecte, Julian Davison a grandi en Malaisie et à Singapour. Il est titulaire d’une licence en anthropologie de l’université de Durham et d’un doctorat de la School of Oriental and African Studies de Londres. En 2010, dans le cadre de la bourse Lee Kong Chian Fellowship, il a mené des recherches sur l’arrivée de la modernité à Singapour entre les deux guerres mondiales. Éditeur, directeur et auteur de nombreux ouvrages de référence sur la région de Singapour et sur l’architecture balinaise et indonésienne parmi lesquels : One For The Road (2001), An Eastern Port (2004) et Black and White : the Singapore House 1898-1941 (2005), Singapore Shophouse (2010). Julian Davison est également auteur et présentateur d’émissions de télévisions (« Site and Sound » série d’histoire locale sur Singapore TV) et de reportages pour les chaînes History, Discovery Channel et News Asia (« Raffles Revealed », documentaire en deux parties sur la vie de Sir Stamford Raffles).
Historien français spécialiste de Singapour, Jean-Louis Margolin est agrégé d’histoire et maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille. Directeur adjoint de l’institut de recherche sur le Sud-Est asiatique (IRSEA / CNRS) de 2004 à 2007, membre de la commission « Histoire et sciences de l’homme et de la société » (Centre national du Livre) de 2007 à 2011, il est actuellement membre du comité de lecture de la revue d’études Moussons, ainsi qu’auteur ou chroniqueur pour plusieurs revues spécialisées. Depuis sa thèse, Singapour 1954-1980 : Économie, politique, société : une dialectique (1982), il a beaucoup écrit sur Singapour et les relations entre l’Europe et l’Asie du Sud-Est : Singapour, 1959- 1987. Genèse d’un nouveau pays industriel (1989), Singapore from Temasek to the Twenty-First Century : Reinventing the Global City (co-direction, 2010), Les Indes et l’Europe. Histoires connectées XV e - XXI e siècles (avec Claude Markovits, 2015). Il a donné une conférence sur « Singapour et les Peranakan, un carrefour entre trois mondes » dans le cadre de l’exposition Baba Bling (musée du Quai Branly, 2010-2011). Initiateur du colloque franco-singapourien The new geopolitical order in Southeast Asia and Europe-Asia relations (1996), il intervient régulièrement dans des congrès et séminaires locaux.
Idéalement située au nord-ouest du jardin botanique, l’actuelle résidence de France en est un prolongement naturel. Seule la route Cluny Park Road fait césure, sans empêcher toutefois ses hôtes, abeilles, coqs sauvages, varans ou même pythons, de se faufiler et de s’établir dans son jardin.
Cette nature foisonnante caractérise l’endroit. En y pénétrant, l’œil s’attache d’abord aux palmiers en éventail, dits arbres du voyageur, aux fleurs de balisiers et petits flamboyants, et autres bougainvilliers et frangipaniers. Puis se détache de ces masses végétales une bâtisse posée sur un promontoire, que l’on repère d’emblée par sa monumentale porte cochère, sa haute toiture en croupe qui renforce l’effet d’élévation et ses murs à contrefort, créant l’effet de mouvement. Ondulations discrètes que l’on retrouve inscrites dans le crépi chaulé de ses hauts murs blancs. .
Avec son esthétique propre, cette villa Black and White, conçue en 1923 par l’architecte Brewer, est indéniablement l’une des plus originales de Singapour. De l’extérieur, elle conjugue différents styles architecturaux de l’Empire britannique, bungalow anglo-malais et petit fortin des contreforts himalayens aussi, avec ses pignons à colombages et ses fenêtres en encorbellement faisant saillies. À l’intérieur, chaque pièce recueille précieusement la lumière pour ne devenir qu’un espace entre deux trouées de végétation luxuriante. Le salon véranda au premier étage en est la quintessence.
Depuis 1999, la résidence accueille les événements nombreux qui rythment le partenariat entre la France et Singapour. En pénétrant dans ce fleuron du patrimoine architectural singapourien, chaque visiteur comprend d’emblée que la présence française remonte aux origines de la cité-État et a su accompagner Singapour dans sa réussite spectaculaire. C’est cette histoire que retrace cet ouvrage à travers les résidences de France à Singapour.
Bonne visite !
Marc Abensour
Ambassadeur de France à Singapour
S’il est un lieu de la terre où aient place tous les rêves des vivants depuis les premiers jours où l’homme commença les songes de l’existence, c’est l’Inde.
Romain Rolland, La Vie de Ramakrishna, 1929.
Architecte de formation, Sophie Trelcat est journaliste spécialisée en architecture, design et arts contemporains. Elle collabore avec de nombreux magazines parmi lesquels : A.M.C, Le Journal des Arts, Art Press, Les Inrocks, Vogue, d’A… Elle est également commissaire d’exposition —Christian de Portzamparc, Renzo Piano, Dentelles d’architecture ou encore Le stade, miroir de la ville— et auteure de plusieurs ouvrages. Aux Éditions internationales du Patrimoine, elle a co-écrit plusieurs monographies consacrées au patrimoine diplomatique français à l’étranger : Ambassade de France à Berlin (2010), Ambassade de France à Tokyo (2012), Résidence de France à Rabat (2014), Résidences de France à Singapour (2019) et Ambassade de France à New-Delhi (2019).
Docteur d’État en histoire, spécialiste de l’Inde, Jacques Weber est professeur émérite à l’université de Nantes. Il est membre associé du Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud (EHESS / CNRS) et de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer. Ses recherches personnelles couvrent les domaines de l’Inde française (XVII e - XX e siècles), des relations entre la France et l’Inde (XVII e - XX e siècles), des missions et des Indiens convertis au catholicisme (XVIII e - XX e siècles), des relations internationales en Asie du Sud depuis 1947 et des politiques indigènes de la France dans ses colonies (1870-1962). Il a publié nombre d’articles et d’ouvrages parmi lesquels Les Établissements français en Inde au XIX e siècle (en 5 volumes) et Les Relations entre la France et l’Inde de 1673 à nos jours.
De mon bureau privé à la résidence à celui que j’occupe au sein de la chancellerie, les vues plongent au cœur du jardin que je traverse chaque jour, réinterprétation des jardins moghols à la tradition millénaire. Directement inspirées de remarquables édifices delhiites —tel le mausolée de l’empereur Humâyûn—, les façades de grès rouge et blanc qui habillent l’ambassade et la résidence incarnent, elles aussi, le dialogue entre l’Inde et la France.
Hasard ou non, le lancement au début des années 1980 des travaux de ce nouvel ensemble dans le quartier de Chanakyapuri coïncide avec un nouvel élan donné à notre relation avec l’Inde. Né de l’étroite collaboration entre les architectes Paul Chemetov, Borja Huidobro et Alexandre Chemetoff, assistés de l’architecte indien Raj Rewal, ce projet s’inspire à la fois de multiples dispositifs traditionnels composant l’architecture indienne et du plan de l’hôtel particulier parisien. Le résultat porte la marque de l’ambition réussie du mariage des cultures de nos deux pays. Les bâtiments incarnent aussi un partenariat fructueux entre deux puissances qui partagent des valeurs et des intérêts stratégiques communs. Dans le cadre de ce partenariat, nombreux sont les présidents et ministres qui ont foulé le sol de la résidence, véritable maison de France où dialoguent avec délicatesse œuvres françaises et indiennes, anciennes comme contemporaines.
Alors que nous célébrons cette année le vingtième anniversaire de notre partenariat stratégique avec l’Inde, je me réjouis que cet ouvrage ait pu voir le jour grâce au soutien de mécènes ; qu’ils en soient chaleureusement remerciés. Ce superbe livre met en valeur le lien entre nos deux pays à travers l’histoire de la représentation française en Inde. Il apportera, j’en suis convaincu, une contribution importante à la richesse de l’amitié franco-indienne.
Je souhaite à chacune et à chacun une excellente lecture.
Alexandre Ziegler
Ambassadeur de France en Inde
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