L'Hôtel Beauvau

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Jean-Marc BERLIÈRE

Professeur émérite d’histoire contemporaine, Jean-Marc Berlière est le pionnier d’une histoire de la police longtemps délaissée par les historiens qui avaient tendance à n’y voir qu’un objet « sale » dédié à la « répression ». Après l’institution et la société policières sous la III e République, il a étendu ses recherches à la seconde guerre mondiale et à la guerre d’Algérie, au fur et à mesure de l’ouverture des archives. Chercheur au CESDIP (CNRS / ministère de la Justice), il a écrit de très nombreux ouvrages et articles. Le dernier en date Camarade la lutte continue ! concerne les résistants juifs communistes reconvertis après-guerre dans les réseaux d’espionnage au service de l’URSS.

Monique CONSTANT

Archiviste-paléographe, conservateur général du patrimoine, Monique Constant a fait toute sa carrière à la direction des archives du ministère des Affaires étrangères. Chef du département historique de 1990 à 1999, directrice-adjointe de 1999 à 2012, elle a consacré de nombreux travaux à l’histoire des relations internationales aux XIXe et XXsiècles. Elle a reçu les insignes d’officier de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du Mérite.

Jean TULARD

Historien, spécialiste de l’époque napoléonienne, Jean Tulard est agrégé d’histoire et docteur ès lettres. Directeur d’études à l’École pratique des hautes études en 1965, il est nommé, en 1981, professeur à l’université de Paris-Sorbonne et à l’Institut d’études politiques de Paris. Président honoraire de l’Institut Napoléon, il est également membre de l’Académie des Sciences morales et politiques. Il est officier de la Légion d’honneur, officier de l’Ordre national du Mérite, commandeur des Arts et des Lettres, et chevalier des Palmes académiques.

Auteur d’un nombre considérable d’études, Jean Tulard a reçu plusieurs récompenses, parmi lesquelles le Prix Gobert de l’Académie française (1971), le Grand Prix national de l’histoire (1977) et le Prix du Mémorial (1981) pour l’ensemble de son œuvre. 

 

 

 

 

Fiche technique

Date de parution
décembre 2016
Langues
français
Nombre de pages
464
Nombre d'illustrations
282
Format
280 mm x 350 mm
Reliure
rigide et coffret illustré
ISBN
979-10-90756-16-8
Poids
4,96 Kg

S’il m’est échu l’honneur de préfacer ce magnifique ouvrage consacré à l’hôtel Beauvau, ses fastes et ses activités, c’est sans doute pour qu’il soit dit s’il est, et dans quel sens, un « lieu de mémoire ».

Il l’est, éminemment. Mais en première approximation, la Place Beauvau, c’est-à-dire par métonymie le ministère de l’Intérieur, n’a pas bonne presse dans la mémoire collective des Français. Ses missions ont beau ne recouvrir que des tâches protectrices de la population — la sécurité intérieure, la garantie des libertés publiques, à commencer par le suffrage universel, l’administration territoriale, la prévention de la délinquance, le droit d’asile —, les images qui lui sont attachées relèvent plutôt de la coercition centralisatrice, des préfets à poigne, de la police, de la répression et de la censure. Les périodes politiques avec lesquelles s’identifie le plus étroitement le ministère de l’Intérieur sont les pires de l’histoire nationale : la Terreur avec Fouché (qui fut, en titre, ministre de la Police), le plein Empire autoritaire avec Morny et Persigny, le premier à s’installer dans l’hôtel Beauvau en 1861 ; ou encore Vichy, même si Darlan, Pucheu, Laval résidaient en « zone libre ». En fait de « lieu », la place Beauvau, associée par proximité avec la rue des Saussaies et ses sinistres cellules, serait plutôt de triste mémoire.

Si l’on regarde cependant le ministère de l’Intérieur d’un œil plus historien, tout change. Et l’hôtel Beauvau devient l’incarnation de la permanence de l’État. Ce qu’il représente plonge ses racines au plus profond de l’Ancien Régime. Il illustre la continuité de l’État-nation, il est le symbole de la tradition historique de la France, le cœur battant de la nation.

Dans un entretien accordé au Débat il y a plus d’un quart de siècle, mais qui n’a pas vieilli, « La France vue de l’Intérieur » (n° 61, septembre-octobre 1990), Pierre Joxe, son occupant d’alors, avait une excellente formule pour le définir : « C’est le ministère de ce qui reste ». L’expression peut désigner jusqu’à sa vie quotidienne, puisque c’est le seul ministère qui reste ouvert quand tout est fermé ; une dimension de permanence qui se projette dans tous les départements, à travers cette institution typiquement française depuis Bonaparte qu’est l’institution préfectorale. Mais l’expression s’applique à toute l’histoire de ce ministère très particulier ; et cela, pour deux raisons.

D’abord parce que ses domaines de compétences se sont constitués par soustraction. Ils sont faits de tout ce qui n’appartient pas aux quatre autres fonctions de souveraineté, la Guerre et les Affaires Étrangères, qui datent de Henri III à la fin du XVI e siècle, les Finances, des débuts du règne de Louis XIV, 1661, et la Justice, formellement instituée par l’Assemblée Constituante, en 1790.

Ensuite parce que le mouvement de différenciation n’a pas arrêté de se poursuivre depuis le XIX e siècle. La plupart des ministères spécialisés sont nés, en effet, par scissiparité, du ministère de l’Intérieur : ainsi de l’Instruction publique en 1828, du Commerce en 1831, des Travaux publics en 1839, de l’Agriculture en 1881, du Travail en 1906, des Affaires sociales en 1920. Et ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que se sont plus ou moins stabilisées les attributions du ministère de l’Intérieur.

Il est enfin le ministère des affaires dont personne ne veut ou, plutôt, qui concernent tout le monde. Autrement dit, l’État de droit non spécialisé. C’est ainsi que la Place Beauvau gère les problèmes aujourd’hui devenus si sensibles de l’immigration ; de même que celui des cultes, problème que l’on croyait progressivement apaisé depuis la séparation des Églises et de l’État, en 1905, mais auquel la montée en puissance de l’Islam et les difficultés d’insertion du culte musulman ont donné une nouvelle intensité.

Le ministère de l’Intérieur, à travers ses attributions si longtemps mouvantes, est, de tous les ministères régaliens, celui qui s’identifie le plus étroitement à l’État, pour le meilleur comme pour le pire. C’est pourquoi son attribution la plus stable est celle de l’Utilité publique, celle du Bien commun. Et c’est aussi pourquoi, pour reprendre cette fois une formule de l’actuel occupant des lieux, Bernard Cazeneuve, on préfère dans ce poste, plus encore que toute autre fonction politique, « un homme qui croit pouvoir être utile à un homme qui se croit indispensable ».

 
Pierre Nora
de l'Académie française