L'ambassade de France à Vienne

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L'ambassade de France à Vienne, construite en 1907 par un architecte français constitue l'un des rares hôtels particuliers et peut-être le seul, du style parisien de cette époque. Bien que certains dégâts dus à la guerre n'aient pas permis de conserver entièrement le décor intérieur original, celui-ci, a été cependant en très grande partie maintenu. Dès à présent, il constitue une curiosité et nul doute, que le temps passant, il ne soit apprécié un jour comme un exemple typique d'un art qui a sa valeur.

Étienne de Crouy-Chanel, ambassadeur de France à Vienne à Jean Cassou, conservateur en chef au Musée national d'Art moderne, avril 1961.

 

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Chantal GASTINEL-COURAL

Après l'École du Louvre, Chantal Gastinel-Coural a été chargée de mission au musée national du château de Versailles, puis conseiller technique à l'administration générale du Mobilier national et des manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie. Elle fut notamment en charge, auprès de l'administrateur général, de l'ameublement et de la décoration des résidences présidentielles (palais de l'Élysée, château de Rambouillet, Résidence Marigny, Fort de Brégançon).

Ses travaux scientifiques ont concerné le palais de Monte Cavallo (le Quirinal) sous le Premier Empire, et les Manufactures nationales, spécialement celle de Beauvais. Elle prépare un ouvrage sur la manufacture de la Savonnerie de 1800 à 1850. Elle est aussi l'auteur de nombreux articles études et catalogues d'expositions, dont elle a assuré le commissariat, consacrés à la Fabrique lyonnaise et aux commandes du Garde-Meuble de la Couronne pour les palais royaux et impériaux aux XVIIIe et XIXe siècles.

Elle a réalisé une étude sur l'ambassade de France à Vienne publiée par le Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français en 1990.

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Fiche technique

Date de parution
juin 2011
Langues
français - allemand
Nombre de pages
182
Nombre d'illustrations
165
Format
235 x 300 mm
Reliure
flexibound en coffret illustré
ISBN
978-2-9534330-5-0
Poids
1,85 Kg

Un bâtiment abritant une ambassade est inévitablement porteur de symboles, que la présence de ceux-ci soit recherchée ou qu’elle soit imposée par le temps. Une ambassade, c’est le « message » d’un pays à un autre (« Botschaft » signifie à la fois « ambassade » et « message » en allemand). Il doit en être le visage et en tout cas il le devient pour ceux qui le voient quotidiennement : aimable ou sévère, fermé et arrogant, ou bien plutôt ouvert et accueillant. Certains croient ainsi retrouver dans le bâtiment d’une ambassade la marque du caractère qu’ils attribuent à un pays. D’autres forment leur vision d’un pays à partir du premier aspect qu’ils en auront perçu avec cet édifice qui en porte le drapeau.

L’ambassade de France à Vienne, premier bâtiment français à être conçu pour être une ambassade, illustre éminemment
cette situation. Le maître d’œuvre, le ministère des Affaires étrangères, avait inscrit cette dimension symbolique dans le programme architectural dès l’origine, car le symbole devait servir la politique. L’Autriche et la France souhaitaient inaugurer une nouvelle ère dans leurs relations longtemps tumultueuses. Quelques choix d’architecture et de décoration ont pris alors la valeur d’actes propitiatoires : deux grands groupes sculptés sur la façade ainsi qu’un plafond peint au sommet de l’escalier représentent l’Autriche et la France - sous des traits de femmes - scellant une amitié que les deux pays voulaient pérenne.

Avec le temps, d’autres symboles sont venus s’ajouter à ceux qui avaient été voulus à l’origine. Ainsi à Vienne, la grande salle-à-manger a disparu, transformée en deux étages de modestes bureaux, car elle avait été prévue pour recevoir l’Empereur, et cet usage avait perdu son sens après 1918. De même, un grand salon décoré avec une luxuriance de stucs  « Art Nouveau », joyau sans doute de l’ambassade, a été victime de la Seconde guerre mondiale, et aussi de l’évolution du goût, de l’histoire en tout cas.

Cette maison de la France à Vienne incarne aussi un peu l’ « esprit français ». On peut sans trop de forfanterie estimer que l’attention
apportée dès l’origine aux choix esthétiques a quelque chose de français. La France entendait, en effet, frapper les esprits, mais comptait le faire par le goût et le raffinement, et aussi par la marque de son intérêt pour l’avant-garde du temps : l’ambassade de Vienne est une « œuvre d’art totale » de ce mouvement ultra-moderne à l’époque qu’était « l’Art Nouveau ». Sans doute l’émulation ou la rivalité, avec le Jugendstil autrichien de la même époque a-t-il eu sa part dans ce choix. Beaucoup ont critiqué le bâtiment mais c’est cette audace qui en fait le prix aujourd’hui.

Cet esprit français réside peut-être aussi dans l’accueil que l’on s’attache à y offrir, amical et chaleureux, curieux des différences,
plutôt que solennel et empesé. L’intention est que l’on s’y sente bien comme en France.

Cette ambassade est ainsi riche d’histoire. Mais sa vie reflète avant tout la nature fondamentalement transformée des relations entre
la France et l’Autriche, adversaires lors de l’inauguration du bâtiment, partenaires aujourd’hui au sein de l’Union européenne. La représentation de la France n’a évidemment plus le but d’impressionner, mais, tout au contraire, de rapprocher les autres de notre pays. Avec les États-membres de l’Union européenne, nous partageons tant de solidarités concrètes, l’essentiel de notre législation

économique, une monnaie commune. Cela exige de connaître le mieux possible les ressorts de l’action de nos partenaires, de faire partager nos préoccupations, de faire apprécier notre pays, et même de le faire aimer si on le peut. On ne convainc que celui qui veut bien l’être.

L’action internationale passe ainsi, au sein de l’Union européenne au moins, par la «diplomatie publique ». L’ambassade de France,
un des bâtiments les plus connus et prestigieux de Vienne dans lequel se rendre est un privilège recherché, contribue parfaitement à cette action. Nul évidemment ne se lancerait aujourd’hui à cette seule fin dans les dépenses que représente ce palais. Mais il serait peu avisé de ne pas valoriser cet atout pour la France dont nous avons hérité.

On a essayé récemment de faire sentir cette évolution des temps en insérant dans cet édifice « Art Nouveau » quelques œuvres
contemporaines. Celles-ci sont présentées de façon à ne pas heurter la cohérence remarquable de la décoration existante. Mais le plus beau des édifices est toujours un édifice vivant. Il semblait juste de rappeler qu’une ambassade ne peut être un mausolée magnifique d’une époque passée, mais qu’elle demeure avant tout un instrument à la disposition des hommes et des femmes de notre temps. Le visage de la France d’aujourd’hui.



Philippe Carré
Ambassadeur de France à Vienne de 2008 à 2012

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