Nombreux sont les visiteurs que j’accueille sur le perron de la Résidence des Pins et qui partagent avec moi l’émotion ressentie pendant la montée des marches. Cette confession, si elle ne cesse de me toucher, ne me surprend plus guère, car le charme de ces pierres —leur couleur, leur patine, leur toucher— opère de manière invariable.
Ce charme, j’y suis, moi aussi, toujours autant sensible, alors même que mes fonctions me donnent le privilège de travailler, mais aussi de vivre, dans ce magnifique édifice. Cela, je crois, vient de ce que, à la Résidence des Pins plus qu’ailleurs, « les pierres parlent à ceux qui savent les entendre », selon les mots d’Anatole France (Pierre Nozière, 1899).
Et de quoi, au juste, parlent les pierres de la Résidence des Pins ?
Elles parlent des derniers feux de l’Empire ottoman, de la vision d’un bâtisseur, qui sut choisir les plus beaux matériaux du Levant —roche jaune, marbre rouge et bois de cèdre— pour donner corps à son rêve de pierre, sous les frondaisons des pins. Elles parlent des soubresauts du premier conflit mondial, du mandat français et de la proclamation du Liban contemporain depuis le péristyle d’un cercle de jeu devenu tout à la fois résidence de France et maison de tous les Libanais. Elles parlent des drames de l’interminable guerre civile libanaise et des dommages infligés par le feu des obus et la violence des milices.Elles parlent de la renaissance —du redressement du pays comme de la reconstruction du bâtiment—, dans une communauté de destins une nouvelle fois indissociables. Elles parlent, enfin, des grands hommes qui ont séjourné en ces lieux, pour un temps plus ou moins long, du général Gouraud à plusieurs présidents de la Ve le général de Gaulle, le comte de Chayla, premier ambassadeur de France auprès du Liban indépendant, ou l’ambassadeur Louis Delamare, qui y a perdu la vie.
En somme, de ces pierres, on peut dire, toujours comme Anatole France, qu’« elles gardent des secrets terribles » et qu’« elles en savent long sur la vie et la mort ». À ces pierres qui en savent tant et qui recèlent encore tant de mystères, les auteurs de ce magnifique ouvrage ont tendu une oreille attentive, aimante presque. Ils ont mobilisé les meilleurs connaisseurs de l’histoire franco-libanaise et de la Résidence des Pins, dans des domaines aussi variés que la littérature —l’ouvrage comprenant un hors-texte ciselé et foisonnant du grand écrivain Salah Stétié—, l’histoire de l’art et de l’architecture et les archives diplomatiques.
Le travail croisé de ces experts a permis d’aboutir à ce superbe livre qui restera pour longtemps une référence. Je me réjouis que ce projet ait pu voir le jour, grâce au soutien de mécènes, avant que nous ne célébrions, en 2020, le centième anniversaire de la proclamation du Liban contemporain, auquel il apportera, j’en suis sûr, une contribution importante, en témoignant notamment de la présence continue de la France aux côtés du Liban et de la richesse de l’amitié franco-libanaise.
Je souhaite à chacune et à chacun une excellente lecture.
Bruno Foucher
Ambassadeur de France au Liban